Le symbole, c’est quoi ? Pour quoi faire ?
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Le symbole, c’est quoi ? Pour quoi faire ?
Gilbert Garibal, docteur en philosophie, psychosociologue et psychanalyste, spécialisé dans l'écriture d'ouvrages pratiques sur le développement personnel et les faits de société, en écrit ceci :
Marathonas, 13 septembre 490 avant Jésus-Christ. Les Grecs, inférieurs en nombre, viennent de vaincre les Perses, au cours d’une bataille matinale, héroïque et féroce. Le vaillant guerrier Philippidès, couvert de sang et de sueur, après 42 kms de course à travers la province de l’Attique, apporte la grande nouvelle aux Sages du Temple d’Athènes. A sa sortie, au soleil couchant qui illumine le parvis, la foule exaltée le porte en triomphe, mais épuisé par l’épreuve, il s’effondre soudain, raide mort. Une légende…et un sport d’endurance, naissent à cet instant!
Sur la colline caillouteuse d’Agios surplombant la grande Cité hellénique et la mer Egée au loin, un paysan assis sur un tronc d’arbre – indifférent aux clameurs de victoire qui montent jusqu’à lui – surveille ses chèvres, égayées dans les maigres buissons en contre bas. Alors que le jour décline, il peine à distinguer chaque tête. Comme d’habitude à cette heure, le maître siffle entre ses dents et le chien à ses pieds, bondit, puis en zigzaguant, rassemble le troupeau. Plus ou moins dociles aux aboiements, les bêtes regrimpent la pente, et finissent par pénétrer, l’une derrière l’autre, dans leur abri de pierres pour la nuit.
Mais comment être sûr que tout son bétail est bien rentré, alors qu’il ne sait pas compter? N’a-t-il déjà perdu plusieurs cabris indisciplinés et récupérés par son voisin?! C’est en voyant la multitude de cailloux sur le sol aride alentour, que le berger a une idée, appliquée dès le lendemain. Il en rassemble des petits, autant qu’il possède d’animaux. Et chaque soir, il lui suffit de déplacer un caillou par chèvre, qui rentre dans la bergerie : tous les cailloux formant à la fin un nouveau tas, il s’assure ainsi, que chaque bête a regagné l’étable !
A leur insu, les deux grecs antiques font partie des « inventeurs » de ce que l’on appelle aujourd’hui le symbole. La course du guerrier, qui deviendra légendaire, représente le courage et les cailloux du berger, ancêtres du calcul, figurent astucieusement ses moutons et chèvres : de la sorte, une circonstance exceptionnelle symbolise ici une vertu et un objet banal en exprime un autre.
Pour ce qui nous concerne, le symbole est en soi « le moteur maçonnique », au sens où, dans l’exercice de l’Art Royal, il est la locomotive d’un train composé de mythes, légendes, allégories, attributs, métaphores, etc. Il n’est donc pas inutile d’observer le mécanisme de cette force motrice, qui constitue précisément, la « méthode symbolique ».
Dès son origine, l’hominidé a vite établi une relation entre sa personne et la nature. Le spectacle des quatre éléments en action, air, eau, terre, feu, et des astres soleil, lune, planètes, étoiles, a sans doute favorisé ses premières « projections mentales ». Par associations d’idées, puisque ainsi fonctionne déjà son esprit. En témoignent des « pré-écritures » de notre lointain cousin, l’homme de Néandertal, sous forme de signes évocateurs découverts sur des roches et des os incisés, datant de quelque 50 000 ans. Le symbole exprime déjà l’une de ses singularités premières : l’économie de moyens pour transmettre du sens.
On retrouve ce principe dans les hiéroglyphes égyptiens et les idéogrammes chinois et japonais, caractères graphiques, dont le dessin exprime directement une idée ou un objet. C’est en Mésopotamie, il y a cinq millénaires, que serait apparue une véritable écriture – une combinaison de signes – sur des tablettes d’argile.
Au fil des siècles, au gré des croyances et attributions, une codification symbolique des principales figures géométriques s’est imposée dans l’esprit de l’homo sapiens occidental : le cercle a symbolisé la création, l’infini, le cycle des saisons, le temps, puis encore, la plénitude, l’harmonie, l’amour. Le carré représente la perfection, la rectitude, la force, la solidité, la maison, la famille, la protection. La croix indique la verticalité (l’homme debout, la reliance au divin) et l’horizontalité (l’homme relationnel, le chemin de l’autre), l’union des contraires, les quatre points cardinaux, le christianisme. Le triangle, pour sa part, suggère le feu, l’intelligence, l’ambition, le travail, le principe créateur. L’étoile est à la fois, le guide céleste et, avec cinq branches, le schéma dans lequel s’inscrit l’homme, créature cosmique. L’ondulation, enfin, marque les fluctuations de la disposition affective, le désir, le tempérament, la flamme intérieure, la force vitale. Autant d’élaboration et non de vérités premières !
La psychanalyse, lorsqu’elle s’est avancée sur cette scène de l’interprétation symbolique, a pu avec Carl Jung, former l’hypothèse « d’images primordiales », par lui qualifiées « d’archétypes » (symboles primitifs invariants) qui composerait un inconscient collectif traversant le temps. Il serait en fait, à partir de signes référents, un immense réservoir de similitudes, sans cesse sollicité, l’homme étant un être d’imitation et donc, de répétition. Le praticien est attentif à la description des rêves de ses patients. Ils lui décrivent souvent des créatures fantasmatiques, tels le dragon vert ou le cheval blanc ailé. Pour l’analyste, le dragon représenterait l’énergie vitale mais aussi l’esprit du mal, l’inconscient et ses pulsions. Le cheval ailé suggèrerait la puissance, le désir, l’intuition, la domination, la pureté aussi. Jung s’intéresse également aux mandalas des moines bouddhistes, qui symbolisent l’univers et l’humilité…puisque ces compositions harmonieuses et sophistiquées, réalisées sur le sol à partir de poudres colorées, sont effacées après quelques heures de leur contemplation méditative.
Freud, pour sa part, reste centré sur l’inconscient individuel. Vient ensuite seulement la relation entre les êtres et les objets, entre autres par le biais des rêves. (Exemples : l’automobile assimilée au ventre maternel, ou l’épée au phallus). Au vrai, le concepteur de la psychanalyse s’intéresse davantage aux « rapports symboliques » qu’aux symboles en tant que tels. Pour lui, le sens à trouver prime sur la douleur organique. C’est à dire qu’il prend de préférence en compte le « pourquoi » de l’être, ici et maintenant, par l’écoute (du contenu de son langage verbal et corporel) plutôt que son « comment » (la manifestation physique de ses symptômes). Au vrai, scientifique concret, il veut rester étranger à toute transcendance. Il paraît se méfier de l’hypothèse d’un inconscient collectif et de la notion d’images primordiales, qui ont pour lui une résonance déiste, voire religieuse.
En effet, si le signifié du symbole équivaut à un « non-formulé », un non-dit, tous les mots composant l’histoire en cause (donc le signifiant également !) existent bel et bien : ils sont stockés et dans la pensée des deux frères, en fonction du vocabulaire qu’ils ont reçu ou acquis et « engrangé » dans leur vie. Chacun de nous est pétri de ces mots. Notre chair, notre intellect sont mots. En cela, venant des autres, nous sommes à la fois nous-mêmes…et ces autres !
Dans le passé, le paranormal, entre autres, l’occultisme et le magisme – en pénétrant pendant quelques décennies la franc-maçonnerie spéculative – a bien tenté d’imposer une dimension métaphysique, voire d’assigner un pouvoir « non-humain », donc surnaturel, au mécanisme symbolique ! Certes, chaque maçon a toujours été libre de « vivre le symbole » à sa façon. Et encore aujourd’hui, bien heureusement, à travers les divers rites en activité, avec ou sans le Grand Architecte de l’Univers comme référence ! Mais il serait toutefois dommage qu’il ignore ou rejette les remarquables avancées des sciences humaines, (anthropologie, psychanalyse, psychologie, sociologie, linguistique, etc) dans le domaine de l’abstraction. Tout en respectant les croyances et sensibilités individuelles, ces disciplines ont, avec bonheur, repositionné la raison – parfois fâcheusement écartée ! – dans l’approche du symbole.
Le symbolisme maçonnique, traditionnel et initiatique par nature, puisque tels sont les critères de l’Art Royal spéculatif, n’échappe pas aux deux caractéristiques essentielles, qui définissent tout symbole, quel qu’il soit.
1. La première semblera paradoxale : en effet, on peut dire que le symbole… n’existe pas en soi, au sens où c’est nous qui donnons une signification à une entité figurant autre chose qu’elle-même : un objet ou une représentation inerte, une couleur, un son, un geste, un logo, une image, un texte, une marque, etc, par simple projection mentale, puisqu’il nous est donné, de disposer d’une pensée abstraite. De la sorte, il s’agit d’une « opération symbolique » propre à notre cerveau, qui fonctionne par association d’idées et analogie. Le symbole étant le résultat de cette opération. L’équerre et le compas entrelacés, décrétés symboles par la franc-maçonnerie universelle, sont d’abord… quatre morceaux de bois, assemblés en forme d’outils, et prenant le sens que leur a donné les francs-maçons : la représentation abstraite de la terre et du ciel.
2. La seconde caractéristique veut que toute signification au symbole, corresponde toujours à un contexte donné, à partir duquel il doit être décodé. Pour exemple, citons la sinistre croix gammée, symbole de puissance exterminatrice pour les nazis, et par contre-coup, symbole d’horreur absolue pour leurs victimes pendant la dernière guerre mondiale. Elle était dans le même temps et l’est demeuré, un symbole d’amour et de bonheur sous le nom de svastika aux Indes ! Selon ce principe contextuel, nous sommes par avance informés que les symboles maçonniques, outils de la construction ou représentations illustrant les légendes du bienveillant Art Royal, ne peuvent que véhiculer des valeurs positives.
Nous sommes soi-disant rationnels mais au vrai fascinés par l’irrationalité des fables bibliques, templières, alchimiques, des fictions égyptiennes, des légendes compagnonniques et maçonniques, véritable bain de jouvence pour notre imaginaire avide. L’homme, en plus de ses besoins physiques fondamentaux, boire, manger, se reproduire, en éprouve un autre, très particulier. Au vrai, davantage qu’un besoin, il ressent le désir, l’envie de croire, donc de rêver et d’entendre des récits fondateurs. C’est à dire, à partir de ce « sentiment de reliance » de mettre la vie en mots, en contes et en abstraction, pour se créer une mythologie personnelle.
Lorsque l’imagerie nous renvoie à Adam, que découvre-t-on ? l’homme originel n’a pas de nombril : il ne s’est pas créé lui-même ! De la sorte, depuis la genèse décrite par la Bible, les successions humaines, par définition, se reproduisent…mais ne cessent de se poser la question de leur créateur initial. Pour dépasser ce mystère, elles ont d’abord inventé des divinités génitrices, puis du polythéisme sont passées au monothéisme avec les religions du Livre. Autant de symboles « compensateurs » pour apaiser leur angoisse existentielle.
L’homme moderne subit la même. Pour les croyants, ce manque, cet autre à distance, cet invisible, la réponse ne peut être en effet que Dieu ( du latin deus, lui-même issu du sanskrit deva, être de lumière) ! Pour les athées ou les agnostiques, le symbole serait davantage ici un « synthème » (du grec synthema, signal convenu, convention). Éternelle opposition entre ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas…ou croient qu’ils n’y croient pas ! Constant débat entre les apporteurs de réponses et les poseurs de questions ! C’est la parole des « créationnistes » contre celle des rationalistes ! « Au commencement était le verbe », dit précisément la Bible, elle même livre-symbole, qui traverse le temps.
Nous pouvons ici faire l’hypothèse, avec les paléontologues, que l’acte verbal n’a véritablement été « inventé » que le jour où le descendant des primates s’est dressé sur ses pattes de derrière. Sa « colonne sonore » dégagée et son amplitude pulmonaire alors accentuée, il a pu cesser d’émettre des sons ininterrompus pour articuler des phonèmes, coupés entre eux par des courts silences : ainsi sont nées très progressivement de ces coupures, les syllabes, les mots, les phrases, séparés et rythmés par des pauses respiratoires. Autrement dit la langue parlée.
Parce que, précisément, nous sommes des êtres de langage, des « parlêtres »,nous avons appris, depuis notre naissance et au sein de notre culture, d’abord à entendre les noms des choses, puis à les répéter, pour nommer ces choses nous-mêmes, et classer lesdits noms dans les rayons de notre bibliothèque mémorielle individuelle. Choisis, prononcés, accolés, transportés par notre souffle, au gré de nos besoins d’expression, les vocables se métamorphosent ensuite en autant de phrases, d’idées, de concepts, produisant à la fois du son et du sens. Puisque tout est d’abord « mot » en nous – tel que nous le disions plus haut – et que dès qu’il désigne une chose, le mot devient symbole, cet outil virtuel qui permet de représenter, donc de penser le monde. En quelque sorte, le symbole est au mot ce que la doublure est au vêtement !
Toute symbolique, quelle soit maçonnique ou « profane » contient cette idée de séparation et de rapprochement, dans le « nommé » même. André Citroën, le constructeur d’automobiles était franc-maçon. Ce n’est certainement pas un hasard si ses voitures arboraient et arborent toujours deux chevrons…en forme d’équerres stylisées sur le capot de ses modèles. Ce n’est pas un hasard non plus si le nom de Citroën a été affiché sur la tour Eiffel, sous forme de publicité lumineuse géante (250 000 ampoules !) sur trois de ses côtés, avant la dernière guerre mondiale, de 1925 à 1936. Surtout si l’on sait que la construction de cette tour fut proposée à l’industriel Gustave Eiffel par deux de ses ingénieurs francs-maçons, pour fêter, en 1889, le centenaire de la Révolution française ! Et ce n’est donc pas un hasard si l’on apprend que les trois étages de cette tour symbolisent avec une idée de progression, le premier, l’apprenti, le second, le compagnon, le troisième, le maître. Automobiles Citroën, Tour Eiffel : les deux personnes évoquées sont « séparées » des deux objets de métal qu’elles symbolisent. Et les deux objets en cause, les « rapprochent » de ces mêmes personnes.
Celles-ci feront sens sans intervention de quelque processus magique! Par exemple, la représentation de l’équerre, engagera ce frère, qui sait, à trouver un juste milieu entre sa vie spirituelle et sa vie sociale à préserver. L’image du compas suggérera à cet autre à s’ouvrir davantage à ses semblables, d’élargir ainsi son cercle d’amis et de mieux s’intéresser à la marche du monde. La figure du fil à plomb sera susceptible d’inciter un autre encore à mieux gérer son temps et à veiller dans son couple à une juste répartition des tâches domestiques. Ce mode opératoire, centré sur « l’expérience intérieure » peut paraître puéril : certes, il est simple en soi mais certainement pas simpliste. Le plus difficile…est de l’appliquer au quotidien. Là, est le travail personnel du maçon. Là est la finalité de la méthode maçonnique : permettre à chacun, à chacune, de passer du désir à la volition. Et de la parole à l’acte!
Mais attention : si le mot n’est pas la chose, le symbole non plus. Ce dernier n’en est que l’ombre portée, une forme de copie virtuelle, en quelque sorte. Le mot « chien » ou un pictogramme arborant un chien stylisé…ne sont pas un chien et ne mordent pas! Une mappemonde n’est pas le monde. Un cheveu n’est pas la personne à qui il appartient. Les deux colonnes à l’entrée du temple, fussent-elles en pierre, rappellent mais ne sont pas celles du temple de Salomon. Même quand il semble devenir presque la chose, le symbole n’est toujours pas la chose, ni, à plus forte raison, l’être, l’étant et l’âme de la chose. Et ne le sera évidemment jamais ! L’ombre du zèbre n’a pas de rayures !
Ces triplées jouent un rôle très actif dans l’approche du symbole. L’intuition, en tant que clé d’accès de l’esprit à la connaissance directe, et l’imagination, « puissance inspirante » – donc principe d’action – ont une tendance naturelle à vouloir soumettre à leur diktat, la raison, quand celle-ci se veut d’abord logicienne et porteuse de bon sens. D’où, les « visions » différentes de la symbolique maçonnique, par chacun et chacune.
Devant « la symbolisation », surprenante faculté de la pensée, il nous faut, précisément, raison garder, lucidité conserver, prudence observer, humilité cultiver ! Le symbole n’est pas le savoir. Encore moins la connaissance! Mais en tant qu’« outil psychique » il peut en indiquer le chemin : une transcendance horizontale, en l’occurrence sociétale et sociale, afin de rendre meilleur notre « vivre ensemble ». Une riche historicité nous conduit, par notre vocation répétitive même, à « symboliser » un récurrent passé maçonnique, pour y puiser de précieuses valeurs. C’est à dire à reproduire au présent du « déjà pensé », du « déjà-dit ». Au début du nouveau millénaire, il est important sinon capital pour notre Ordre, tout en continuant de cultiver ces valeurs, de produire aussi du « non encore pensé », du « non encore dit », du « non encore fait ». C’est à dire de nous tourner vers l’avenir et d’y projeter du sens. Paix mondiale, dignité et droits de l’homme, fraternité universelle, progrès pacifique, égalité naturelle, les chantiers à poursuivre et à ouvrir ne manquent pas. Quelle maçonnerie pour le XXIème siècle ? La question, urgente et logique, se pose.
Notre symbolique, avec sa large palette signifiante, offre cette possibilité, cette chance, d’aborder les thèmes en cause et de concourir à leur réalisation, dans le cadre d’une « spiritualité active ». Qu’elle soit d’ordre individuel ou groupal. Qu’elle nourrisse notre imaginaire. L’utopie est toujours à entretenir : elle est l’anti-chambre du réel. N’a-t-elle permis à l’homme, de se poser sur la lune?! Et, précisément, à notre frère américain Eldwin Aldrin, d’y planter un fanion orné de l’équerre et du compas ?
Le franc-maçon du troisième millénaire, héritier du culte de l’effort des bâtisseurs et – à l’image du marathonien Philippidès – coureur de fond à sa manière, sait que la réflexion symbolique, en amplifiant sa pensée, en élargissant sa vision, lui permet « d’aller plus loin » sur le chemin de la créativité. C’est peut être elle qu’on appelle le bonheur ! Progresser soi-même, c’est faire progresser le monde.
Le philosophe norvégien Knut Hamsun le dit avec une grande acuité :
Gil GARIBAL
Marathonas, 13 septembre 490 avant Jésus-Christ. Les Grecs, inférieurs en nombre, viennent de vaincre les Perses, au cours d’une bataille matinale, héroïque et féroce. Le vaillant guerrier Philippidès, couvert de sang et de sueur, après 42 kms de course à travers la province de l’Attique, apporte la grande nouvelle aux Sages du Temple d’Athènes. A sa sortie, au soleil couchant qui illumine le parvis, la foule exaltée le porte en triomphe, mais épuisé par l’épreuve, il s’effondre soudain, raide mort. Une légende…et un sport d’endurance, naissent à cet instant!
Sur la colline caillouteuse d’Agios surplombant la grande Cité hellénique et la mer Egée au loin, un paysan assis sur un tronc d’arbre – indifférent aux clameurs de victoire qui montent jusqu’à lui – surveille ses chèvres, égayées dans les maigres buissons en contre bas. Alors que le jour décline, il peine à distinguer chaque tête. Comme d’habitude à cette heure, le maître siffle entre ses dents et le chien à ses pieds, bondit, puis en zigzaguant, rassemble le troupeau. Plus ou moins dociles aux aboiements, les bêtes regrimpent la pente, et finissent par pénétrer, l’une derrière l’autre, dans leur abri de pierres pour la nuit.
Mais comment être sûr que tout son bétail est bien rentré, alors qu’il ne sait pas compter? N’a-t-il déjà perdu plusieurs cabris indisciplinés et récupérés par son voisin?! C’est en voyant la multitude de cailloux sur le sol aride alentour, que le berger a une idée, appliquée dès le lendemain. Il en rassemble des petits, autant qu’il possède d’animaux. Et chaque soir, il lui suffit de déplacer un caillou par chèvre, qui rentre dans la bergerie : tous les cailloux formant à la fin un nouveau tas, il s’assure ainsi, que chaque bête a regagné l’étable !
A leur insu, les deux grecs antiques font partie des « inventeurs » de ce que l’on appelle aujourd’hui le symbole. La course du guerrier, qui deviendra légendaire, représente le courage et les cailloux du berger, ancêtres du calcul, figurent astucieusement ses moutons et chèvres : de la sorte, une circonstance exceptionnelle symbolise ici une vertu et un objet banal en exprime un autre.
Le bassin méditerranéen, s’il est le creuset de notre socioculture gréco-judéo-chrétienne, n’est pas le nombril du monde et n’a pas, bien entendu, l’exclusivité du symbolisme !. Ce phénomène, au vrai universel, perdure aujourd’hui du fait de la pensée abstraite et analogique, toujours caractéristique du cerveau humain des années 2000.Les routes du symbole
Pour ce qui nous concerne, le symbole est en soi « le moteur maçonnique », au sens où, dans l’exercice de l’Art Royal, il est la locomotive d’un train composé de mythes, légendes, allégories, attributs, métaphores, etc. Il n’est donc pas inutile d’observer le mécanisme de cette force motrice, qui constitue précisément, la « méthode symbolique ».
Dès son origine, l’hominidé a vite établi une relation entre sa personne et la nature. Le spectacle des quatre éléments en action, air, eau, terre, feu, et des astres soleil, lune, planètes, étoiles, a sans doute favorisé ses premières « projections mentales ». Par associations d’idées, puisque ainsi fonctionne déjà son esprit. En témoignent des « pré-écritures » de notre lointain cousin, l’homme de Néandertal, sous forme de signes évocateurs découverts sur des roches et des os incisés, datant de quelque 50 000 ans. Le symbole exprime déjà l’une de ses singularités premières : l’économie de moyens pour transmettre du sens.
On retrouve ce principe dans les hiéroglyphes égyptiens et les idéogrammes chinois et japonais, caractères graphiques, dont le dessin exprime directement une idée ou un objet. C’est en Mésopotamie, il y a cinq millénaires, que serait apparue une véritable écriture – une combinaison de signes – sur des tablettes d’argile.
Au fil des siècles, au gré des croyances et attributions, une codification symbolique des principales figures géométriques s’est imposée dans l’esprit de l’homo sapiens occidental : le cercle a symbolisé la création, l’infini, le cycle des saisons, le temps, puis encore, la plénitude, l’harmonie, l’amour. Le carré représente la perfection, la rectitude, la force, la solidité, la maison, la famille, la protection. La croix indique la verticalité (l’homme debout, la reliance au divin) et l’horizontalité (l’homme relationnel, le chemin de l’autre), l’union des contraires, les quatre points cardinaux, le christianisme. Le triangle, pour sa part, suggère le feu, l’intelligence, l’ambition, le travail, le principe créateur. L’étoile est à la fois, le guide céleste et, avec cinq branches, le schéma dans lequel s’inscrit l’homme, créature cosmique. L’ondulation, enfin, marque les fluctuations de la disposition affective, le désir, le tempérament, la flamme intérieure, la force vitale. Autant d’élaboration et non de vérités premières !
La psychanalyse, lorsqu’elle s’est avancée sur cette scène de l’interprétation symbolique, a pu avec Carl Jung, former l’hypothèse « d’images primordiales », par lui qualifiées « d’archétypes » (symboles primitifs invariants) qui composerait un inconscient collectif traversant le temps. Il serait en fait, à partir de signes référents, un immense réservoir de similitudes, sans cesse sollicité, l’homme étant un être d’imitation et donc, de répétition. Le praticien est attentif à la description des rêves de ses patients. Ils lui décrivent souvent des créatures fantasmatiques, tels le dragon vert ou le cheval blanc ailé. Pour l’analyste, le dragon représenterait l’énergie vitale mais aussi l’esprit du mal, l’inconscient et ses pulsions. Le cheval ailé suggèrerait la puissance, le désir, l’intuition, la domination, la pureté aussi. Jung s’intéresse également aux mandalas des moines bouddhistes, qui symbolisent l’univers et l’humilité…puisque ces compositions harmonieuses et sophistiquées, réalisées sur le sol à partir de poudres colorées, sont effacées après quelques heures de leur contemplation méditative.
Freud, pour sa part, reste centré sur l’inconscient individuel. Vient ensuite seulement la relation entre les êtres et les objets, entre autres par le biais des rêves. (Exemples : l’automobile assimilée au ventre maternel, ou l’épée au phallus). Au vrai, le concepteur de la psychanalyse s’intéresse davantage aux « rapports symboliques » qu’aux symboles en tant que tels. Pour lui, le sens à trouver prime sur la douleur organique. C’est à dire qu’il prend de préférence en compte le « pourquoi » de l’être, ici et maintenant, par l’écoute (du contenu de son langage verbal et corporel) plutôt que son « comment » (la manifestation physique de ses symptômes). Au vrai, scientifique concret, il veut rester étranger à toute transcendance. Il paraît se méfier de l’hypothèse d’un inconscient collectif et de la notion d’images primordiales, qui ont pour lui une résonance déiste, voire religieuse.
L’intérêt de Freud pour le langage conduit ici à prendre le symbole…au mot ! Nous vivons au milieu de signes figuratifs et de signes-objets, nous indiquant le rôle représentatif du symbole – au sens premier de « sumbollein », unir, assembler – et dans l’acception même des mots, latin symbolum et grec symbolon (objet coupé en deux matérialisant un signe de reconnaissance pour les porteurs des deux fragments à rapprocher). Dans l’antiquité, les deux morceaux juxtaposables d’une pierre, d’une poterie ( dite « tessère d’hospitalité », prouvant une bonne entente entre deux hôtes), d’un os cassé, pouvaient ainsi correspondre chacun à la moitié d’un terrain, donné en héritage par un père à ses deux enfants. En l’espèce, le mot « terrain » nomme la chose (signifiant) et son « symbole », matérialisé par les deux fragments, indique, sans mots prononcés mais sous-entendus (signifiés) à la fois, et entre autres, l’historique familial, l’image parentale, l’héritage, sa transmission. La preuve de cette propriété, disons « le contrat », étant constitué par le rapprochement parfait des deux parties du même objet, pierre, poterie, os. Nous constatons avec cet exemple que le signifié, par son déploiement descriptif possible, « déborde » largement le signifiant. Il y a ainsi économie, condensation de mots, certes, mais pas du tout abolition, au profit du mystère, voire du divin!Comment ça marche ?
En effet, si le signifié du symbole équivaut à un « non-formulé », un non-dit, tous les mots composant l’histoire en cause (donc le signifiant également !) existent bel et bien : ils sont stockés et dans la pensée des deux frères, en fonction du vocabulaire qu’ils ont reçu ou acquis et « engrangé » dans leur vie. Chacun de nous est pétri de ces mots. Notre chair, notre intellect sont mots. En cela, venant des autres, nous sommes à la fois nous-mêmes…et ces autres !
Dans le passé, le paranormal, entre autres, l’occultisme et le magisme – en pénétrant pendant quelques décennies la franc-maçonnerie spéculative – a bien tenté d’imposer une dimension métaphysique, voire d’assigner un pouvoir « non-humain », donc surnaturel, au mécanisme symbolique ! Certes, chaque maçon a toujours été libre de « vivre le symbole » à sa façon. Et encore aujourd’hui, bien heureusement, à travers les divers rites en activité, avec ou sans le Grand Architecte de l’Univers comme référence ! Mais il serait toutefois dommage qu’il ignore ou rejette les remarquables avancées des sciences humaines, (anthropologie, psychanalyse, psychologie, sociologie, linguistique, etc) dans le domaine de l’abstraction. Tout en respectant les croyances et sensibilités individuelles, ces disciplines ont, avec bonheur, repositionné la raison – parfois fâcheusement écartée ! – dans l’approche du symbole.
Le symbolisme maçonnique, traditionnel et initiatique par nature, puisque tels sont les critères de l’Art Royal spéculatif, n’échappe pas aux deux caractéristiques essentielles, qui définissent tout symbole, quel qu’il soit.
1. La première semblera paradoxale : en effet, on peut dire que le symbole… n’existe pas en soi, au sens où c’est nous qui donnons une signification à une entité figurant autre chose qu’elle-même : un objet ou une représentation inerte, une couleur, un son, un geste, un logo, une image, un texte, une marque, etc, par simple projection mentale, puisqu’il nous est donné, de disposer d’une pensée abstraite. De la sorte, il s’agit d’une « opération symbolique » propre à notre cerveau, qui fonctionne par association d’idées et analogie. Le symbole étant le résultat de cette opération. L’équerre et le compas entrelacés, décrétés symboles par la franc-maçonnerie universelle, sont d’abord… quatre morceaux de bois, assemblés en forme d’outils, et prenant le sens que leur a donné les francs-maçons : la représentation abstraite de la terre et du ciel.
2. La seconde caractéristique veut que toute signification au symbole, corresponde toujours à un contexte donné, à partir duquel il doit être décodé. Pour exemple, citons la sinistre croix gammée, symbole de puissance exterminatrice pour les nazis, et par contre-coup, symbole d’horreur absolue pour leurs victimes pendant la dernière guerre mondiale. Elle était dans le même temps et l’est demeuré, un symbole d’amour et de bonheur sous le nom de svastika aux Indes ! Selon ce principe contextuel, nous sommes par avance informés que les symboles maçonniques, outils de la construction ou représentations illustrant les légendes du bienveillant Art Royal, ne peuvent que véhiculer des valeurs positives.
Le symbole, c’est d’abord le constat d’une… absence qui devient une présence par défaut. En effet, puisque, lors de « l’exercice symbolique », une chose en représente une autre ou d’autres, d’évidence il en manque une ou plusieurs, qui est ou sont suggérées! Lorsqu’en fin d’agapes, les francs-maçons entonnent parfois « Le temps des cerises », surgit devant leurs yeux, l’image poétique de « pendants d’oreilles » Et ils vivent ensemble, pendant quelques instants d’émotion, le bonheur d’une époque disparue et… ressuscitée, par le biais du symbole sonore !Le mot et la chose
Nous sommes soi-disant rationnels mais au vrai fascinés par l’irrationalité des fables bibliques, templières, alchimiques, des fictions égyptiennes, des légendes compagnonniques et maçonniques, véritable bain de jouvence pour notre imaginaire avide. L’homme, en plus de ses besoins physiques fondamentaux, boire, manger, se reproduire, en éprouve un autre, très particulier. Au vrai, davantage qu’un besoin, il ressent le désir, l’envie de croire, donc de rêver et d’entendre des récits fondateurs. C’est à dire, à partir de ce « sentiment de reliance » de mettre la vie en mots, en contes et en abstraction, pour se créer une mythologie personnelle.
Lorsque l’imagerie nous renvoie à Adam, que découvre-t-on ? l’homme originel n’a pas de nombril : il ne s’est pas créé lui-même ! De la sorte, depuis la genèse décrite par la Bible, les successions humaines, par définition, se reproduisent…mais ne cessent de se poser la question de leur créateur initial. Pour dépasser ce mystère, elles ont d’abord inventé des divinités génitrices, puis du polythéisme sont passées au monothéisme avec les religions du Livre. Autant de symboles « compensateurs » pour apaiser leur angoisse existentielle.
L’homme moderne subit la même. Pour les croyants, ce manque, cet autre à distance, cet invisible, la réponse ne peut être en effet que Dieu ( du latin deus, lui-même issu du sanskrit deva, être de lumière) ! Pour les athées ou les agnostiques, le symbole serait davantage ici un « synthème » (du grec synthema, signal convenu, convention). Éternelle opposition entre ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas…ou croient qu’ils n’y croient pas ! Constant débat entre les apporteurs de réponses et les poseurs de questions ! C’est la parole des « créationnistes » contre celle des rationalistes ! « Au commencement était le verbe », dit précisément la Bible, elle même livre-symbole, qui traverse le temps.
Nous pouvons ici faire l’hypothèse, avec les paléontologues, que l’acte verbal n’a véritablement été « inventé » que le jour où le descendant des primates s’est dressé sur ses pattes de derrière. Sa « colonne sonore » dégagée et son amplitude pulmonaire alors accentuée, il a pu cesser d’émettre des sons ininterrompus pour articuler des phonèmes, coupés entre eux par des courts silences : ainsi sont nées très progressivement de ces coupures, les syllabes, les mots, les phrases, séparés et rythmés par des pauses respiratoires. Autrement dit la langue parlée.
Parce que, précisément, nous sommes des êtres de langage, des « parlêtres »,nous avons appris, depuis notre naissance et au sein de notre culture, d’abord à entendre les noms des choses, puis à les répéter, pour nommer ces choses nous-mêmes, et classer lesdits noms dans les rayons de notre bibliothèque mémorielle individuelle. Choisis, prononcés, accolés, transportés par notre souffle, au gré de nos besoins d’expression, les vocables se métamorphosent ensuite en autant de phrases, d’idées, de concepts, produisant à la fois du son et du sens. Puisque tout est d’abord « mot » en nous – tel que nous le disions plus haut – et que dès qu’il désigne une chose, le mot devient symbole, cet outil virtuel qui permet de représenter, donc de penser le monde. En quelque sorte, le symbole est au mot ce que la doublure est au vêtement !
Toute symbolique, quelle soit maçonnique ou « profane » contient cette idée de séparation et de rapprochement, dans le « nommé » même. André Citroën, le constructeur d’automobiles était franc-maçon. Ce n’est certainement pas un hasard si ses voitures arboraient et arborent toujours deux chevrons…en forme d’équerres stylisées sur le capot de ses modèles. Ce n’est pas un hasard non plus si le nom de Citroën a été affiché sur la tour Eiffel, sous forme de publicité lumineuse géante (250 000 ampoules !) sur trois de ses côtés, avant la dernière guerre mondiale, de 1925 à 1936. Surtout si l’on sait que la construction de cette tour fut proposée à l’industriel Gustave Eiffel par deux de ses ingénieurs francs-maçons, pour fêter, en 1889, le centenaire de la Révolution française ! Et ce n’est donc pas un hasard si l’on apprend que les trois étages de cette tour symbolisent avec une idée de progression, le premier, l’apprenti, le second, le compagnon, le troisième, le maître. Automobiles Citroën, Tour Eiffel : les deux personnes évoquées sont « séparées » des deux objets de métal qu’elles symbolisent. Et les deux objets en cause, les « rapprochent » de ces mêmes personnes.
Depuis l’origine de la maçonnerie dite spéculative, l’équerre symbolise la régularité, la droiture, la logique, la rigueur et le compas (l’un des outils humains les plus anciens) représente l’esprit, la mesure, l’harmonie, la vérité et l’élargissement des connaissances. Le fil à plomb figure l’équité, l’équilibre, la droiture, la profondeur. Ce qui n’exclue nullement la recherche, tant au présent qu’au futur, d’autres sens qui viennent et viendront s’ajouter aux précédents ou les remplacer, en fonction même des perceptions individuelles, des cultures en cause et des « mouvements » du monde.De la parole à l’acte
Celles-ci feront sens sans intervention de quelque processus magique! Par exemple, la représentation de l’équerre, engagera ce frère, qui sait, à trouver un juste milieu entre sa vie spirituelle et sa vie sociale à préserver. L’image du compas suggérera à cet autre à s’ouvrir davantage à ses semblables, d’élargir ainsi son cercle d’amis et de mieux s’intéresser à la marche du monde. La figure du fil à plomb sera susceptible d’inciter un autre encore à mieux gérer son temps et à veiller dans son couple à une juste répartition des tâches domestiques. Ce mode opératoire, centré sur « l’expérience intérieure » peut paraître puéril : certes, il est simple en soi mais certainement pas simpliste. Le plus difficile…est de l’appliquer au quotidien. Là, est le travail personnel du maçon. Là est la finalité de la méthode maçonnique : permettre à chacun, à chacune, de passer du désir à la volition. Et de la parole à l’acte!
Mais attention : si le mot n’est pas la chose, le symbole non plus. Ce dernier n’en est que l’ombre portée, une forme de copie virtuelle, en quelque sorte. Le mot « chien » ou un pictogramme arborant un chien stylisé…ne sont pas un chien et ne mordent pas! Une mappemonde n’est pas le monde. Un cheveu n’est pas la personne à qui il appartient. Les deux colonnes à l’entrée du temple, fussent-elles en pierre, rappellent mais ne sont pas celles du temple de Salomon. Même quand il semble devenir presque la chose, le symbole n’est toujours pas la chose, ni, à plus forte raison, l’être, l’étant et l’âme de la chose. Et ne le sera évidemment jamais ! L’ombre du zèbre n’a pas de rayures !
Les observations rapportées par les précieuses sciences humaines précitées, nous permettent de mieux comprendre pourquoi trois formes d’instruments d’analyse, fonctionnent en nous. Au vrai, trois sœurs qui s’y disputent en permanence, et déjà repérées par la philosophie antique : la raison, l’intuition, l’imagination.Quelle maçonnerie pour le XXIème siècle ?
Ces triplées jouent un rôle très actif dans l’approche du symbole. L’intuition, en tant que clé d’accès de l’esprit à la connaissance directe, et l’imagination, « puissance inspirante » – donc principe d’action – ont une tendance naturelle à vouloir soumettre à leur diktat, la raison, quand celle-ci se veut d’abord logicienne et porteuse de bon sens. D’où, les « visions » différentes de la symbolique maçonnique, par chacun et chacune.
Devant « la symbolisation », surprenante faculté de la pensée, il nous faut, précisément, raison garder, lucidité conserver, prudence observer, humilité cultiver ! Le symbole n’est pas le savoir. Encore moins la connaissance! Mais en tant qu’« outil psychique » il peut en indiquer le chemin : une transcendance horizontale, en l’occurrence sociétale et sociale, afin de rendre meilleur notre « vivre ensemble ». Une riche historicité nous conduit, par notre vocation répétitive même, à « symboliser » un récurrent passé maçonnique, pour y puiser de précieuses valeurs. C’est à dire à reproduire au présent du « déjà pensé », du « déjà-dit ». Au début du nouveau millénaire, il est important sinon capital pour notre Ordre, tout en continuant de cultiver ces valeurs, de produire aussi du « non encore pensé », du « non encore dit », du « non encore fait ». C’est à dire de nous tourner vers l’avenir et d’y projeter du sens. Paix mondiale, dignité et droits de l’homme, fraternité universelle, progrès pacifique, égalité naturelle, les chantiers à poursuivre et à ouvrir ne manquent pas. Quelle maçonnerie pour le XXIème siècle ? La question, urgente et logique, se pose.
Notre symbolique, avec sa large palette signifiante, offre cette possibilité, cette chance, d’aborder les thèmes en cause et de concourir à leur réalisation, dans le cadre d’une « spiritualité active ». Qu’elle soit d’ordre individuel ou groupal. Qu’elle nourrisse notre imaginaire. L’utopie est toujours à entretenir : elle est l’anti-chambre du réel. N’a-t-elle permis à l’homme, de se poser sur la lune?! Et, précisément, à notre frère américain Eldwin Aldrin, d’y planter un fanion orné de l’équerre et du compas ?
Le franc-maçon du troisième millénaire, héritier du culte de l’effort des bâtisseurs et – à l’image du marathonien Philippidès – coureur de fond à sa manière, sait que la réflexion symbolique, en amplifiant sa pensée, en élargissant sa vision, lui permet « d’aller plus loin » sur le chemin de la créativité. C’est peut être elle qu’on appelle le bonheur ! Progresser soi-même, c’est faire progresser le monde.
Le philosophe norvégien Knut Hamsun le dit avec une grande acuité :
« L’humanité n’avance qu’à travers des symboles ! »
Gil GARIBAL
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