Giraudoux ou l'ironie souriante
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Giraudoux ou l'ironie souriante
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Nul moyen, sinon par la barbarie, de résister au sourire de Giraudoux. Cette citation d'André Gide pourrait s'ajouter à bien d'autres. De Gaulle disait que les gens qui détestaient Giraudoux ne pouvaient être que des idiots et Cocteau voyait en lui un excellent élève doublé du prestige mystérieux du cancre. Dramaturge sur le tard à l'âge de 46 ans, Jean Giraudoux aura redoré le théâtre en l'espace de dix petites années. Pour mesurer l'effet de son rapide mais immense dépoussiérage, il faut se replonger début XXème. De 1900 à 1930 la scène française crève d'une approche trop naturaliste des choses – héritage de Zola – que l'on pourrait par exemple reprocher aujourd'hui au cinéma ou à certains programmes télé. André Antoine, concepteur en 1887 du courant Théâtre-Libre, règne alors à Paris en metteur en scène farfelu. Il accueille dans son théâtre les auteurs refusés à la Comédie Française, à l'Odéon, et se plaît à monter leurs pièces avec un réalisme scénique extrême. Si l'histoire a pour décor la campagne, il place sur scène de vrais chevaux, de vrais cochons ; un garage, de vraies voitures ; une boucherie, de vrais quartiers de viande. Giraudoux, romancier et encore simple spectateur à l'époque, trouve ces effets ridicules. Il faut faire exactement tout le contraire, pense-t-il, le théâtre est un lieu d'enchantement où chacun doit être transporté au-dessus de la vie courante. Et il n'est pas seul à penser ça. En 1927 Jouvet, Baty, Dullin et Pitoëff se regroupent pour former le fameux Cartel des Quatre, une manière pour eux d'aspirer haut et fort à un renouveau. Ce sera d'ailleurs Jouvet en 1928 qui se chargera de mettre en scène sa première pièce, Siegfried, adaptation de son roman Siegfried et le Limousin écrit 6 ans plus tôt. Au début, Jouvet ne croit pas un instant au succès de la pièce. Le texte, par ailleurs admirable sur le plan littéraire, est trop riche et beaucoup trop long. Aussi propose-t-il plusieurs changements et coupes. Giraudoux, loin de se considérer dramaturge, écoute les conseils du metteur en scène et retravaille. C'est le début d'une collaboration qui durera 15 ans. Le destin a fait se rencontrer les deux hommes. Si l'auteur n'avait pas croisé Jouvet sur sa route, Siegfried serait resté probablement au fond d'un tiroir comme une tentative théâtrale inavouée. Et Jouvet ne le sait pas encore mais avec Giraudoux, il tient là son auteur pour allumer la flamme du renouveau théâtral. La mayonnaise prend. Nos deux hommes s'inspirent l'un l'autre. Il y a une vraie émulation. La première de Siegfried reçoit un accueil triomphal ! Le public, debout, applaudit un style fondé sur la volonté métaphysique de créer un monde à part, et cela par les seules lois de l'art et de la fantaisie. Ce qu'on reprochait aux romans de l'auteur, vaine préciosité, absence d'intrigue, personnages diaphanes, prend soudain ici tout son sens ! Giraudoux, grâce à l'apport excitant de Jouvet, a pu transposer à la scène son dédain de la réalité quotidienne, son aspiration vers le merveilleux ; un monde où humour et poésie servent de contrepoint aux graves problèmes du destin. Entre autres : Ondine, La Guerre de Troie n'aura pas lieu, Intermezzo, Electre, La Folle de Chaillot.
Je mettrai prochainement des extraits de ses pièces. Aimez-vous cet auteur ? Le détestez-vous ? Vous pouvez réagir dans le sens que vous souhaitez. Le fil est ouvert.
Je mettrai prochainement des extraits de ses pièces. Aimez-vous cet auteur ? Le détestez-vous ? Vous pouvez réagir dans le sens que vous souhaitez. Le fil est ouvert.
Guthrie- .
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
S’inspirant à la fois de Diderot (Supplément au voyage de Bougainville) et de Marivaux (L’île aux esclaves), Giraudoux avec son Supplément au Voyage de Cook nous transporte au XVIIIème siècle pour nous conter l’aventure du capitaine Cook. Son équipage débarque sur l’île d’Otahiti, petit rocher sauvage, luxuriant et paisible. La pièce dénonce avec humour l’hypocrisie, la suffisance et le zèle des Occidentaux à imposer leurs lois et leurs dogmes aux indigènes qui ne demandaient rien à personne. Voici en extrait la scène où Mister Banks, le naturaliste de l’équipage, tente d’inculquer à Outourou, chef des indigènes, les trois piliers de notre civilisation : Travail, Propriété, Moralité.
Mr.Banks — La question est opportune, elle nous amène à un second point (…) la notion de la propriété.
Outourou — Cela consiste en quoi, la propriété ?
Mr.Banks — Voyons, Outourou, ce que tu as sur toi est à toi ?
Outourou — Il est à vous aussi, si vous voulez.
Mr.Banks — En es-tu sûr ? Je peux te prendre ce collier ?
Outourou — Si vous voulez. Ce sont des perles.
Sullivan — Et moi ces bracelets ?
Outourou — Bien sûr, ce sont des diamants. Ces boucles d’oreille aussi, si tu veux, ce sont des rubis… Veux-tu aussi ce morceau de bois ; il n’a l’air de rien, mais il vient de l’arbre fétiche, c’est le plus précieux.
Mr.Banks — Jamais ! Pour qui nous prends-tu ? Nous ne voulons pas te prendre ton bois ! Les perles et les diamants nous suffiront. Tu nous les donnes ?
Outourou — De grand cœur. De même que vous allez me donner cet instrument bizarre qui pend à votre cou.
Mr.Banks — Mon binocle de rechange, jamais !
Outourou — Ou ce tube qui est à votre côté.
Mr.Banks — Ma lunette d’approche ? Tu n’y penses pas. Non, Outourou, nous allons te donner de vrais trésors. Sullivan, rejoins Solander au navire et apporte les tire-bouchons. Au Cap Horn et en Tasmanie, ce sont nos tire-bouchons qui ont eu le plus de succès. Les indigènes les ont toujours préférés aux autres merveilles que nous leur donnions en échange de leurs bijoux, aux savonnettes et au papier de verre. Et si tu peux m’avoir trois autres colliers, Outourou, tu auras trois autres tire-bouchons !
Outourou — Je ne veux pas de tire-bouchons. Je veux votre lunette. Je veux plonger avec votre lunette pour mieux voir dans la mer.
Mr.Banks — Tu as tort. Tu abîmerais ma lunette. Tandis que tu peux plonger avec nos tire-bouchons. Ils sont inoxydables.
Outourou — Ce n’est vraiment pas juste que mes perles t’appartiennent, et que ta lunette ne m’appartienne pas !
Mr.Banks — Cela ne te paraît pas juste, Outourou, parce que tu n’a pas le sens de la propriété. Apprends que chez nous chaque objet, chaque coin de terre appartient uniquement à celui qui l’a gagné…
Guthrie- .
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Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Je viens d'envoyer à mes proches (et l'une des destinataires est étudiante à Londres et s'appelle" Mademoiselle Morgane") cinq exemplaires du "Littérature" de Jean Giraudoux. On me l'avait offert en pleine guerre quand j'avais 16 ou 17 ans. C'est un recueil d'essais dont le premier est une extraordinaire étude sur Jean Racine (qui revient de temps en temps dans les autres essais).Le mieux que je puisse faire c'est vous recopier la Table des Matières. C'est chez Grasset ou Folio. Chez Grasset, ça coute 8,70 euros. Ce n'est pas cher pour se délecter de ce chef d'oeuvre qui ouvre la porte à tout Giraudoux.
Voici :
Jean Giraudoux - LITTERATURE
I ._ Liittérature
Racine
Choderlos de Laclos
Gérard de Nerval
Charles-Louis Philippe
II.- Quatre tombeaux
Tombeau de Emile Clermont
Tombeau d'un jeune poète
Tombeau de Henri Lavedan
Tobeau de Edouard Vuillard
III.- Polémique
Dieu et la littérature
L'esprit normalien
Instiut et instituteurs
Paul Claudel et l'Académie
Caricature et satire
La bête et l' écrivain
De siècle à siècle
IV.- Théâtre
Discours sur le théâtre
L'auteur au théâtre
Un duo
Le metteur en scène
Bellac et la tragédie
- Epilogue
La France et son héros
----------
Je vous rappelle qu'il écrivit le point final de ces "essais" le dernier jour de 1940. Il aimait son pays, sa terre, son "fonds" et, mort en Janvier 1944, il ne connut pas la Libération..
A vous réentendre sur ce sujet.
Voici :
Jean Giraudoux - LITTERATURE
I ._ Liittérature
Racine
Choderlos de Laclos
Gérard de Nerval
Charles-Louis Philippe
II.- Quatre tombeaux
Tombeau de Emile Clermont
Tombeau d'un jeune poète
Tombeau de Henri Lavedan
Tobeau de Edouard Vuillard
III.- Polémique
Dieu et la littérature
L'esprit normalien
Instiut et instituteurs
Paul Claudel et l'Académie
Caricature et satire
La bête et l' écrivain
De siècle à siècle
IV.- Théâtre
Discours sur le théâtre
L'auteur au théâtre
Un duo
Le metteur en scène
Bellac et la tragédie
- Epilogue
La France et son héros
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Je vous rappelle qu'il écrivit le point final de ces "essais" le dernier jour de 1940. Il aimait son pays, sa terre, son "fonds" et, mort en Janvier 1944, il ne connut pas la Libération..
A vous réentendre sur ce sujet.
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
J'ai l'impression, assez désagréable, que les sujets qui m'intéressent ne visent qu'à intéresser votre serviteur. Ainsi de "Superstition", posé par moi et ce Giraudoux (dû à Guthrie) qui me passionnerait s'il y avait quelqu'un à mes côtés.
Las ! Il faut les laisser finir comme ils ont commencé : mal.
Comme on dit de la mort : "c'est la vie !";
Las ! Il faut les laisser finir comme ils ont commencé : mal.
Comme on dit de la mort : "c'est la vie !";
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
C'est-à-dire, Hérodote ? Doit-on déceler dans votre intervention l'acide de la neurasthénie ? Le cas échéant, elle tomberait bien si j'ose dire. Giraudoux en était rongé également et s'efforça toute sa vie d'en adoucir les tiraillements par le charme et le sourire. Vous avez souligné le Giraudoux essayiste, normalien, patriote. C'est une facette de lui, oui, ou façade. Mais si le diagnostic à la hâte, que je me permets d'établir sur votre humeur du moment, n'est pas un diagnostic de charlatan, laissez-moi vous prescrire sans plus attendre les mêmes remèdes. Que ne nous parlez-vous du charme, du sourire de Giraudoux ? Son théâtre ne vous a jamais rien apporté de solaire ? Non, je ne peux le croire. Parlez, Hérodote. Dissipez les ombres et les doutes ! On vous écoute.
Guthrie- .
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Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Je recommence (ces machines sont insupportables) :
De Giraudoux, cher Guthrie, je saurais rien dire, quant à son "ironie souriante", que rappeler une illustration prodiguée dans "La guerre de Troie n'aura pas lieu", par son Hélène, lorsque celle-ci laisse tomber une mot signifiant qu'elle passe au travers des gens qui ne l'intéressent pas sans remarquer qu'elle les traverse. Voici un constatation que je me suis appliquée sous forme de résolution à l'égard de bien du monde et toujours avec profit. Pourtant on m'avait mis en garde contre cette sorte d'attitude. Elle faisait sourire tous les spectateurs du chef d'oeuvre.
J'appris, parfois à mes dépens, qu'il valait mieux sourire de quelqu'un qui prétend se passer de connaître des personnes qu'on va envoyer durant dix ans au massacre, et, qu'ombres pour ombres, elles ne valaient pas mieux dans leur évanescence survenue, que dans celle que nous avions rêvée. Cette inconsistance des êtres dans l'oeuvre de Jean Giraudoux, précède, et de loin, le postulat sartrien selon lequel l'existence précède l'essence.
Mais qui irait affubler notre auteur-Protée du somptueux terme de "philosophe" ? Voyez-vous quelque rapport que ce soit avec un BHL, pour ne citer que cet exemple criard.
Et néanmoins, dans le recueil d'essais de Giraudoux dont j'ai la prétention de vous recommander la lecture, il y a une pensée, mieux, une Pensée...
Mais nous y reviendrons . Sans séparer la mémoire de Louis Jouvet de celle qu'il révèla à la Littérature (avec ou sans guillemets), on peut révérer en l'un et en l'autre deux monstres discrets qui font honneur à notre langue, à ces paysages, bretons pour l'un ,berrichons pour l'autre. C'est là qu'est l'héritage d'"oil", comme "oc" avait trouvé son héritier en Mistral. Je suis las de cet appareil et je récidiverai une autre fois.
De Giraudoux, cher Guthrie, je saurais rien dire, quant à son "ironie souriante", que rappeler une illustration prodiguée dans "La guerre de Troie n'aura pas lieu", par son Hélène, lorsque celle-ci laisse tomber une mot signifiant qu'elle passe au travers des gens qui ne l'intéressent pas sans remarquer qu'elle les traverse. Voici un constatation que je me suis appliquée sous forme de résolution à l'égard de bien du monde et toujours avec profit. Pourtant on m'avait mis en garde contre cette sorte d'attitude. Elle faisait sourire tous les spectateurs du chef d'oeuvre.
J'appris, parfois à mes dépens, qu'il valait mieux sourire de quelqu'un qui prétend se passer de connaître des personnes qu'on va envoyer durant dix ans au massacre, et, qu'ombres pour ombres, elles ne valaient pas mieux dans leur évanescence survenue, que dans celle que nous avions rêvée. Cette inconsistance des êtres dans l'oeuvre de Jean Giraudoux, précède, et de loin, le postulat sartrien selon lequel l'existence précède l'essence.
Mais qui irait affubler notre auteur-Protée du somptueux terme de "philosophe" ? Voyez-vous quelque rapport que ce soit avec un BHL, pour ne citer que cet exemple criard.
Et néanmoins, dans le recueil d'essais de Giraudoux dont j'ai la prétention de vous recommander la lecture, il y a une pensée, mieux, une Pensée...
Mais nous y reviendrons . Sans séparer la mémoire de Louis Jouvet de celle qu'il révèla à la Littérature (avec ou sans guillemets), on peut révérer en l'un et en l'autre deux monstres discrets qui font honneur à notre langue, à ces paysages, bretons pour l'un ,berrichons pour l'autre. C'est là qu'est l'héritage d'"oil", comme "oc" avait trouvé son héritier en Mistral. Je suis las de cet appareil et je récidiverai une autre fois.
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Je ré-essaie encore : Franchement, je n'ai ri aux éclats en voyant une pièce de Giraudoux. C'est un peu le sourire-repentir-d'avoir-souri, quand on se pince les lèvres et qu'on se réfugie dans un rictus peu élégant. La délectation est ailleurs, je pense : dans la musique des phrases (on comprend pourquoi il admirait tant Racine et il m'a transmis le virus), des termes inattendus qui prêtent à sourire mais dont l'enchainement du processus est décrit plus haut. Même des sujets comme "Ondine" et "Intermezzo" vous laissent, malgré les apparences, un arrière-gout âpre, comme "Don Juan" et le "Tartuffe" de Molière. Chez Giraudoux, le "Cachez ce sein que je saurais voir!" aurait des prolongements de péché qui envahiraient l'espace du public.. La phrase est curieusement bâtie, magnifique comme dans Goethe (il était agrégé d'Allemand) mais combien terroirisée (j'ose ce néologisme) par l' odeur de notre terre gauloise, et bien avant d'être celte, l'odeur de tout ce qui a précédé. J'ai une pensée pour les petits qui vont naïtre ici et n'auront plus ce sol comme patrie, ainsi qu'on a le front de le proposer. Chez Giraudoux tout n'est pas, par essence, motif à s'esclaffer, "Electre" par exemple alors qu'il nous titlle pour nous communiquer, même ici, la concurrence de termes dont nous userons en sourire-repentir. On l''a nommé, durant la "drôle de guerre" préposé au contrôe de ce que "dégueulait" l'ignoble Ferdonnet, le fameux, à l'époque, "traître de Stuttgart". Giraudoux devait profiter de se connaissance de la langue alemande pour préparer les ripostes au "traître" en question. Il y fut médiocre et Daladier qui l'avait nommé là s'en repentit bientôt. Giraudoux, comme plus tard son admiratrice Marguerite Duras, écrivait, parce qu'il ne savait faire que celà. C'était l'écrivain-type, non le reporter qui compose un récit, non le faiseur de sketches qui fabrique des trucs à faire frémir ou rire. Non, Jean Giraudoux, c'était le prototype de l'écrivain, comme Gide, ou Yourcenar. Je viens d'accoler deux noms au sien? Les trois sont peut-être nos trois lumières françaises au XXè siècle.
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Gide, Giraudoux, Yourcenar, joli tiercé ! A une différence près : Yourcenar et Gide dans leurs livres se montrent charmants comme une porte de prison – excepté Paludes, le seul peut-être où Gide parvient à avoir de l'humour. Pour en venir à l'essai de Giraudoux dont vous parlez, Littérature, que j'ai dans ma bibliothèque, le chapitre sur Racine est en effet bien troussé, de la belle ouvrage. Toutefois, comme dans ses romans, j'ai du mal à retrouver la grâce qui émane de son théâtre. Dois-je en déduire que ses œuvres non théâtrales m'ennuient ? Je ne sais pas. Disons qu'elles restent pour moi des exercices de style, un laboratoire. En tout cas jamais son style n'aurait eu cette facture s'il avait commencé par écrire des pièces, c'est évident. L’écriture dramatique, quand on vient du roman ou de la nouvelle, y gagne toujours ; Tchekhov, Beckett, Vinaver en ont aussi fait la démonstration. Et pour pouvoir réinventer le théâtre comme l'a fait Giraudoux, avec tant d'aisance, une langue aussi ciselée, avoir une production de romans derrière soi, de contes, de nouvelles, quel meilleur gage de qualité stylistique !
Il semble que vous ayez froncé les sourcils, Hérodote, au titre du fil. Bon, je l'avoue, ce n'est pas d'une grande clarté. Pourtant cette ironie-souriante ne doit pas nous lancer vers de fausses pistes. J'aurais pu dire que le rire contient toutes les mélancolies humaines mais trop de syllabes donne un titre bancal. Aussi, pour reprendre l'équilibre, je vais m'appuyer sur votre épaule, Hérodote, et plus précisément sur ce passage de votre première intervention : J'appris, parfois à mes dépens, qu'il valait mieux sourire de quelqu'un qui prétend se passer de connaître des personnes qu'on va envoyer durant dix ans au massacre, et, qu'ombres pour ombres, elles ne valaient pas mieux dans leur évanescence survenue, que dans celle que nous avions rêvée.
Dix ans au massacre, vous dites ? Nous y sommes : la guerre. Giraudoux a fait la guerre (la première) et on imagine la difficulté de sortir indemne de ce cauchemar. Outre les mutilations physiques, on rapporte dans son barda dépit, désespoir, incompréhensions, amertume. Que reste-t-il de tout ça en fin de compte ? Pourquoi avoir livré bataille ? En se penchant sur l'insondable bêtise humaine, on est pris de vertige : rien, il ne reste rien. Le néant intégral. Dans ces moments si l'on ne croit pas en Dieu – Giraudoux était athée – comment croire encore en l'homme ? Sa mystique à lui, salvatrice, sera la poésie, le goût du merveilleux. Mais non comme un refuge hermétique, bien entendu, le poète ne peut se couper du monde. Il se doit témoin et visionnaire, sinon toute forme sortie de son imagination restera un corps blême, amorphe, le sang n'y affluera pas. Son rôle vis-à-vis des hommes, dans un monde où le noir prédomine, consiste à porter au grand jour toutes les autres nuances de jaune, de vert, de bleu. Et pour noire elle est noire cette époque sur le point d'enfanter une seconde guerre mondiale. D'où le penchant de Giraudoux pour l'ironie, ajouté à la parodie, la dérision, l'auto-dérision. Alors le verbe s'esclaffer, Hérodote, non bien sûr il ne marche pas, on ne s'esclaffe pas en écoutant ou en lisant du Giraudoux. On sourit. On rit. Voilà en gros ce que voulait dire mon histoire d'ironie-souriante. L'ironie chez lui est le produit de deux retentissants conflits mondiaux dont nous portons aujourd'hui encore les stigmates. Et le sourire, comme l'on dit, le masque de la politesse sur le visage du désespoir ; un filtre qui permet à Giraudoux l'acrobate de nous montrer l'absurdité de l'existence tout en nous redonnant espoir et goût à la vie. Est-il de plus beau cadeau ?
Il semble que vous ayez froncé les sourcils, Hérodote, au titre du fil. Bon, je l'avoue, ce n'est pas d'une grande clarté. Pourtant cette ironie-souriante ne doit pas nous lancer vers de fausses pistes. J'aurais pu dire que le rire contient toutes les mélancolies humaines mais trop de syllabes donne un titre bancal. Aussi, pour reprendre l'équilibre, je vais m'appuyer sur votre épaule, Hérodote, et plus précisément sur ce passage de votre première intervention : J'appris, parfois à mes dépens, qu'il valait mieux sourire de quelqu'un qui prétend se passer de connaître des personnes qu'on va envoyer durant dix ans au massacre, et, qu'ombres pour ombres, elles ne valaient pas mieux dans leur évanescence survenue, que dans celle que nous avions rêvée.
Dix ans au massacre, vous dites ? Nous y sommes : la guerre. Giraudoux a fait la guerre (la première) et on imagine la difficulté de sortir indemne de ce cauchemar. Outre les mutilations physiques, on rapporte dans son barda dépit, désespoir, incompréhensions, amertume. Que reste-t-il de tout ça en fin de compte ? Pourquoi avoir livré bataille ? En se penchant sur l'insondable bêtise humaine, on est pris de vertige : rien, il ne reste rien. Le néant intégral. Dans ces moments si l'on ne croit pas en Dieu – Giraudoux était athée – comment croire encore en l'homme ? Sa mystique à lui, salvatrice, sera la poésie, le goût du merveilleux. Mais non comme un refuge hermétique, bien entendu, le poète ne peut se couper du monde. Il se doit témoin et visionnaire, sinon toute forme sortie de son imagination restera un corps blême, amorphe, le sang n'y affluera pas. Son rôle vis-à-vis des hommes, dans un monde où le noir prédomine, consiste à porter au grand jour toutes les autres nuances de jaune, de vert, de bleu. Et pour noire elle est noire cette époque sur le point d'enfanter une seconde guerre mondiale. D'où le penchant de Giraudoux pour l'ironie, ajouté à la parodie, la dérision, l'auto-dérision. Alors le verbe s'esclaffer, Hérodote, non bien sûr il ne marche pas, on ne s'esclaffe pas en écoutant ou en lisant du Giraudoux. On sourit. On rit. Voilà en gros ce que voulait dire mon histoire d'ironie-souriante. L'ironie chez lui est le produit de deux retentissants conflits mondiaux dont nous portons aujourd'hui encore les stigmates. Et le sourire, comme l'on dit, le masque de la politesse sur le visage du désespoir ; un filtre qui permet à Giraudoux l'acrobate de nous montrer l'absurdité de l'existence tout en nous redonnant espoir et goût à la vie. Est-il de plus beau cadeau ?
Dernière édition par Guthrie le Jeu 24 Oct - 10:32, édité 1 fois
Guthrie- .
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Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Comme un miroir au captivant débat en ce moment sur le site à propos de l'athéisme, voici un extrait d'Electre dans lequel Giraudoux se montre profondément athée. La scène est entre Égisthe, Le Président et un mendiant. Pour devenir régent, Égisthe a assassiné son cousin Agamemnon, roi d'Argos, et ce avec la complicité de la femme du défunt roi, Clytemnestre, dont il est l'amant. Seulement sa nièce Electre l'inquiète. Il craint qu'un jour elle apprenne la vérité sur la mort de son père et se venge. Aussi projette-t-il de la marier au jardinier ; en réalité de l'installer loin du palais pour pouvoir la tuer à l'abri des regards sans créer de scandale. Mais avant d'exposer son plan au Président, le voilà qu'il part dans un exposé sur la foi religieuse. Le comique de la situation c'est le mendiant, assis sur un escabeau, complètement ivre. Le langage du régent ridiculement orné, affreusement pompeux – auto-dérision de Giraudoux raillant sa propre vanité, son goût pour l'éloquence – n'est pas un obstacle pour le clochard. A l'opposé du président, qui ne capte pas un traître mot, lui comprend tout de ce qu'Égisthe raconte. Il décèle son projet d'assassinat. Il se permet même de se foutre de sa gueule en l'applaudissant au terme de ses ronflantes tirades. Ce qui crée un irrésistible décalage :
ÉGISTHE. – (...) En tant que régent, permets-moi de t’élever aux idées générales… Tu crois aux dieux, président ?
LE PRÉSIDENT. – Et vous-même, seigneur ?
ÉGISTHE. – Cher président, je me suis demandé souvent si je croyais aux dieux. Je me le suis demandé parce que c’est vraiment le seul problème qu’un homme d’État se doive de tirer au clair vis-à-vis de soi-même. Je crois aux dieux. Ou plutôt je crois que je crois aux dieux. Mais je crois en eux non pas comme en de grandes attentions et de grandes surveillances, mais comme en de grandes distractions. Entre les espaces et les durées, toujours en flirt, entre les gravitations et les vides, toujours en lutte, il est de grandes indifférences, qui sont les dieux. Je les imagine, non point occupés sans relâche de cette moisissure suprême et mobile de la terre qu’est l’humanité, mais parvenus, à un tel grade de sérénité et d’ubiquité, qu’il ne peut plus être que la béatitude c’est-à-dire l’inconscience. Ils sont inconscients au sommet de l’échelle de toutes créatures comme l’atome est inconscient à leur degré le plus bas. La différence est que c’est une inconscience fulgurante, omnisciente, taillée à mille faces ; et à leur état normal de diamants, atones et sourds ils ne répondent qu’aux lumières, qu’aux signes, et sans les comprendre.
Le mendiant, enfin installé, se croit tenu d’applaudir.
LE MENDIANT. – Bien dit. Bravo.
ÉGISTHE. – Merci… D’autre part, président, il est incontestable qu’éclatent parfois dans la vie des humains des interventions dont l’opportunité ou l’amplitude peut laisser croire à un intérêt ou à une justice extrahumaine. Elles ont ceci d’extrahumain, de divin, qu’elles sont un travail en gros, nullement ajusté… La peste éclate bien lorsqu’une ville a péché par impiété ou par folie, mais elle ravage la ville voisine, particulièrement sainte. La guerre se déchaîne quand un peuple dégénère et s’avilit, mais elle dévore les derniers justes, les derniers courageux, et sauve les plus lâches. Ou bien, quelle que soit la faute, où qu’elle soit commise, c’est le même pays ou la même famille qui paye, innocente ou coupable. Je connais une mère de sept enfants qui avait l’habitude de fesser toujours le même, c’était une mère divine. Cela correspond bien à ce que nous pensons des dieux, que ce sont des boxeurs aveugles, des fesseurs aveugles, tout satisfaits de retrouver les mêmes joues à gifle et les mêmes fesses. On peut même s’étonner, si l’on estime l’ahurissement que comporte un éveil soudain de la béatitude, que leurs coups ne soient pas plus divagants…Que ce soit la femme du juste qu’assomme un volet par grand vent, et non celle du parjure, que l’accident s’acharne sur les pèlerinages et non sur les bandes, en général, c’est toujours l’humanité qui prend… Je dis en général. On voit parfois les corneilles ou les daims succomber sous des épidémies inexplicables : c’est peut-être que le coup destiné aux hommes a porté trop haut ou trop bas. Quoi qu’il en soit, il est hors de doute que la règle première de tout chef d’un État est de veiller férocement à ce que les dieux ne soient point secoués de cette léthargie et de limiter leurs dégâts à leurs réactions de dormeurs, ronflement ou tonnerre.
LE MENDIANT. – Bravo, c’est très clair ! J’ai très bien compris !
ÉGISTHE. – J’en suis ravi.
LE MENDIANT. – C’est la vérité même. Un exemple. Voyez, pour ceux qui marchent sur les routes. Il y a des époques où tous les cent pas vous trouvez un hérisson mort. Ils traversent les routes la nuit, par dizaines, hérissons et hérissonnes qu’ils sont, et ils se font écraser… Vous pensez, les veilles de foire. Vous me direz qu’ils sont idiots, qu’ils pouvaient trouver leur mâle ou leur femelle de ce côté-ci de l’accotement. Je n’y peux rien : l'amour pour les hérissons consiste d’abord à franchir une route… Qu’est-ce que diable je voulais dire ?… J’ai perdu mon fil… Continuez… Cela me reviendra…
ÉGISTHE. – En effet ! Qu’est-ce qu’il veut dire ?
LE PRÉSIDENT. – Si nous parlions d’Électre, seigneur ?
ÉGISTHE. – Mais de quoi crois-tu que nous parlions, de notre charmante petite Agathe ? Nous ne parlons que d’Électre, président, de la nécessité où je suis pour votre bonheur à tous de distraire Électre de la famille royale… Pourquoi, depuis que je suis régent, alors que les autres villes se consument dans les dissensions, les autres citoyens dans les crises morales, sommes-nous seuls satisfaits des autres et de nous-mêmes ? Pourquoi chez nous cet afflux de richesse ? Pourquoi dans Argos seulement le prix des matières premières est-il au plus haut et les prix des objets de détail au plus bas ? Pourquoi exportons-nous plus de vaches et pourquoi cependant le beurre diminue-t-il ? Pourquoi les orages survolent-ils nos vignes, les hérésies nos temples, les fièvres aphteuses nos étables… Parce que, dans la cité, j’ai mené une guerre sans merci à ceux qui faisaient signe aux dieux…
LE PRÉSIDENT. – Qu’appelez vous faire signe aux dieux, Égisthe ?
LE MENDIANT. – Voilà ! J’ai retrouvé !
ÉGISTHE. – Vous avez retrouvé quoi ?
LE MENDIANT. – Mon histoire, le fil de mon histoire… Je parlais de la mort des hérissons…
ÉGISTHE. – Une minute, voulez-vous. Nous parlons des dieux.
LE MENDIANT. – Comment donc !… C’est une question de préséance : les dieux d’abord, les hérissons ensuite… Je me demande seulement si je me rappellerai.
ÉGISTHE. – Il n’est pas deux façons de faire signe, président : c’est se séparer de la troupe, monter sur une éminence, et agiter sa lanterne ou son drapeau. On trahit la terre comme on trahit une place assiégée, par des signaux. Si les dieux depuis dix ans n’arrivent point à se mêler de notre vie, c’est que j’ai veillé à ce que les promontoires soient vides et les champs de foire combles, c’est que j’ai ordonné le mariage des rêveurs, des peintres et des chimistes ; c’est que, pour éviter de créer entre nos citoyens ces différences de race morale qui ne peuvent manquer de colorer différemment les hommes aux yeux des dieux, j’ai toujours feint d’attribuer une importance énorme aux délits et dérisoire aux crimes. Je dois reconnaître que sur ce point la justice des tribunaux m’a abondamment secondé. Et toutes les fois où j’ai été obligé de sévir, de là-haut on ne l’a point vu. Aucune de mes sanctions n’a été assez voyante pour permettre aux dieux l’ajustement de leur vengeance. Pas d’exil. Je tue. Alors que nos pauvres villes voisines se trahissent elles-mêmes en érigeant leur gibet au faîte des collines, moi je crucifie au fond des vallées. Et maintenant, j’ai tout dit sur Électre…
LE JARDINIER. – Qu’avez-vous dit ?
ÉGISTHE. – Qu’il n’y a plus présentement dans Argos qu’un être pour faire signe aux dieux, et c’est Électre…(Au mendiant qui s’agite entre les invités)… Que se passe-t-il ?
LE MENDIANT. – Il ne se passe rien, mais il vaut mieux que je vous sorte mon histoire maintenant… Dans cinq minutes, comme vous parlez, elle n’aura plus de sens du tout. C’est pour confirmer ce que vous dites ! De ces hérissons écrasés, vous en voyez des dizaines qui ont bien l’air d’avoir eu une mort de hérissons. Leur museau aplati par le pied du cheval, leurs piquants éclatés sous la roue, ce sont des hérissons crevés et c’est tout. Ils sont crevés, en raison de la faute originelle des hérissons, qui est de traverser les chemins départementaux ou vicinaux sous prétexte que la limace ou l’œuf de perdrix a plus de goût de l’autre côté, en réalité pour y faire l’amour des hérissons. Cela les regarde. On ne s’en mêle pas. Et soudain vous en trouvez un, un petit jeune, qui n’est pas étendu tout à fait comme les autres, bien moins salement, la petite patte tendue, les babines bien fermées, bien plus digne, et celui-là on a l’impression qu’il n’est pas mort en tant que hérisson, mais qu’on l’a frappé à la place d’un autre, à votre place. Son petit œil froid, c’est votre œil. Ses piquants, c’est votre barbe. Son sang, c’est votre sang. Je les ramasse toujours ceux-là, d’autant plus que ce sont les plus jeunes, les plus tendres à manger. Passé un an, le hérisson ne se sacrifie plus pour l’homme… Vous voyez que j’ai bien compris. Les dieux se sont trompés, ils voulaient frapper un parjure, un voleur, et ils vous tuent un hérisson… Un jeune…
ÉGISTHE. – Très bien compris.
LE MENDIANT. – Et ce qui est vrai pour les hérissons, c’est vrai pour les autres espèces.
LE PRÉSIDENT. – Bien sûr ! Bien sûr !
LE MENDIANT. – Comment, bien sûr ? C’est complètement faux. Prenez la fouine. Tout président du tribunal que vous êtes, vous n’allez pas prétendre que vous avez vu des fouines mourir pour vous ?
ÉGISTHE. – Vous permettez que nous continuions à parler d’Électre ?
LE MENDIANT. – Parlez ! Parlez ! D’ailleurs, réciproquement, je dois dire que quand vous voyez des hommes morts, beaucoup ont l’air d’être morts pour des bœufs, des porcs, des tortues, et pas beaucoup pour les hommes. Un homme qui a l’air d’être mort pour les hommes, je peux le dire, cela se cherche… Ou même pour son propre compte… On va la voir ?
ÉGISTHE. – Voir qui ?
LE MENDIANT. – Électre… Je voudrais bien la voir avant qu’on la tue.
ÉGISTHE. – Tuer Électre ? Qui parle de tuer Électre ?
LE MENDIANT. – Vous.
LE PRÉSIDENT. – Jamais il n’a été question de tuer Électre !
LE MENDIANT. – Moi, j’ai une qualité. Je ne comprends pas les paroles des gens. Je n’ai pas d’instruction. Je comprends les gens… Vous voulez tuer Électre.
LE PRÉSIDENT. – Vous ne comprenez pas du tout, inconnu. Cet homme est Égisthe, le cousin d’Agamemnon, et Électre est sa nièce chérie.
LE MENDIANT. – Est-ce qu’il y a deux Électre ? Celle dont il a parlé, qui va tout gâter, et une seconde, qui est sa nièce chérie ?
LE PRÉSIDENT. – Non ! Il n’y en a qu’une.
LE MENDIANT. – Alors, il veut la tuer ! Il n’y a aucun doute. Il veut tuer sa nièce chérie.
LE PRÉSIDENT. – Je vous assure que vous ne comprenez pas !
LE MENDIANT. – Moi, je roule beaucoup. Je connaissais une famille Narsès… Elle, bien mieux que lui… Elle était malade, elle avalait de l’air… Mais bien mieux que lui… Aucune comparaison.
LE JARDINIER. – Il a bu, c’est un mendiant.
LE PRÉSIDENT. – Il rabâche, c’est un dieu.
LE PRÉSIDENT. – Et vous-même, seigneur ?
ÉGISTHE. – Cher président, je me suis demandé souvent si je croyais aux dieux. Je me le suis demandé parce que c’est vraiment le seul problème qu’un homme d’État se doive de tirer au clair vis-à-vis de soi-même. Je crois aux dieux. Ou plutôt je crois que je crois aux dieux. Mais je crois en eux non pas comme en de grandes attentions et de grandes surveillances, mais comme en de grandes distractions. Entre les espaces et les durées, toujours en flirt, entre les gravitations et les vides, toujours en lutte, il est de grandes indifférences, qui sont les dieux. Je les imagine, non point occupés sans relâche de cette moisissure suprême et mobile de la terre qu’est l’humanité, mais parvenus, à un tel grade de sérénité et d’ubiquité, qu’il ne peut plus être que la béatitude c’est-à-dire l’inconscience. Ils sont inconscients au sommet de l’échelle de toutes créatures comme l’atome est inconscient à leur degré le plus bas. La différence est que c’est une inconscience fulgurante, omnisciente, taillée à mille faces ; et à leur état normal de diamants, atones et sourds ils ne répondent qu’aux lumières, qu’aux signes, et sans les comprendre.
Le mendiant, enfin installé, se croit tenu d’applaudir.
LE MENDIANT. – Bien dit. Bravo.
ÉGISTHE. – Merci… D’autre part, président, il est incontestable qu’éclatent parfois dans la vie des humains des interventions dont l’opportunité ou l’amplitude peut laisser croire à un intérêt ou à une justice extrahumaine. Elles ont ceci d’extrahumain, de divin, qu’elles sont un travail en gros, nullement ajusté… La peste éclate bien lorsqu’une ville a péché par impiété ou par folie, mais elle ravage la ville voisine, particulièrement sainte. La guerre se déchaîne quand un peuple dégénère et s’avilit, mais elle dévore les derniers justes, les derniers courageux, et sauve les plus lâches. Ou bien, quelle que soit la faute, où qu’elle soit commise, c’est le même pays ou la même famille qui paye, innocente ou coupable. Je connais une mère de sept enfants qui avait l’habitude de fesser toujours le même, c’était une mère divine. Cela correspond bien à ce que nous pensons des dieux, que ce sont des boxeurs aveugles, des fesseurs aveugles, tout satisfaits de retrouver les mêmes joues à gifle et les mêmes fesses. On peut même s’étonner, si l’on estime l’ahurissement que comporte un éveil soudain de la béatitude, que leurs coups ne soient pas plus divagants…Que ce soit la femme du juste qu’assomme un volet par grand vent, et non celle du parjure, que l’accident s’acharne sur les pèlerinages et non sur les bandes, en général, c’est toujours l’humanité qui prend… Je dis en général. On voit parfois les corneilles ou les daims succomber sous des épidémies inexplicables : c’est peut-être que le coup destiné aux hommes a porté trop haut ou trop bas. Quoi qu’il en soit, il est hors de doute que la règle première de tout chef d’un État est de veiller férocement à ce que les dieux ne soient point secoués de cette léthargie et de limiter leurs dégâts à leurs réactions de dormeurs, ronflement ou tonnerre.
LE MENDIANT. – Bravo, c’est très clair ! J’ai très bien compris !
ÉGISTHE. – J’en suis ravi.
LE MENDIANT. – C’est la vérité même. Un exemple. Voyez, pour ceux qui marchent sur les routes. Il y a des époques où tous les cent pas vous trouvez un hérisson mort. Ils traversent les routes la nuit, par dizaines, hérissons et hérissonnes qu’ils sont, et ils se font écraser… Vous pensez, les veilles de foire. Vous me direz qu’ils sont idiots, qu’ils pouvaient trouver leur mâle ou leur femelle de ce côté-ci de l’accotement. Je n’y peux rien : l'amour pour les hérissons consiste d’abord à franchir une route… Qu’est-ce que diable je voulais dire ?… J’ai perdu mon fil… Continuez… Cela me reviendra…
ÉGISTHE. – En effet ! Qu’est-ce qu’il veut dire ?
LE PRÉSIDENT. – Si nous parlions d’Électre, seigneur ?
ÉGISTHE. – Mais de quoi crois-tu que nous parlions, de notre charmante petite Agathe ? Nous ne parlons que d’Électre, président, de la nécessité où je suis pour votre bonheur à tous de distraire Électre de la famille royale… Pourquoi, depuis que je suis régent, alors que les autres villes se consument dans les dissensions, les autres citoyens dans les crises morales, sommes-nous seuls satisfaits des autres et de nous-mêmes ? Pourquoi chez nous cet afflux de richesse ? Pourquoi dans Argos seulement le prix des matières premières est-il au plus haut et les prix des objets de détail au plus bas ? Pourquoi exportons-nous plus de vaches et pourquoi cependant le beurre diminue-t-il ? Pourquoi les orages survolent-ils nos vignes, les hérésies nos temples, les fièvres aphteuses nos étables… Parce que, dans la cité, j’ai mené une guerre sans merci à ceux qui faisaient signe aux dieux…
LE PRÉSIDENT. – Qu’appelez vous faire signe aux dieux, Égisthe ?
LE MENDIANT. – Voilà ! J’ai retrouvé !
ÉGISTHE. – Vous avez retrouvé quoi ?
LE MENDIANT. – Mon histoire, le fil de mon histoire… Je parlais de la mort des hérissons…
ÉGISTHE. – Une minute, voulez-vous. Nous parlons des dieux.
LE MENDIANT. – Comment donc !… C’est une question de préséance : les dieux d’abord, les hérissons ensuite… Je me demande seulement si je me rappellerai.
ÉGISTHE. – Il n’est pas deux façons de faire signe, président : c’est se séparer de la troupe, monter sur une éminence, et agiter sa lanterne ou son drapeau. On trahit la terre comme on trahit une place assiégée, par des signaux. Si les dieux depuis dix ans n’arrivent point à se mêler de notre vie, c’est que j’ai veillé à ce que les promontoires soient vides et les champs de foire combles, c’est que j’ai ordonné le mariage des rêveurs, des peintres et des chimistes ; c’est que, pour éviter de créer entre nos citoyens ces différences de race morale qui ne peuvent manquer de colorer différemment les hommes aux yeux des dieux, j’ai toujours feint d’attribuer une importance énorme aux délits et dérisoire aux crimes. Je dois reconnaître que sur ce point la justice des tribunaux m’a abondamment secondé. Et toutes les fois où j’ai été obligé de sévir, de là-haut on ne l’a point vu. Aucune de mes sanctions n’a été assez voyante pour permettre aux dieux l’ajustement de leur vengeance. Pas d’exil. Je tue. Alors que nos pauvres villes voisines se trahissent elles-mêmes en érigeant leur gibet au faîte des collines, moi je crucifie au fond des vallées. Et maintenant, j’ai tout dit sur Électre…
LE JARDINIER. – Qu’avez-vous dit ?
ÉGISTHE. – Qu’il n’y a plus présentement dans Argos qu’un être pour faire signe aux dieux, et c’est Électre…(Au mendiant qui s’agite entre les invités)… Que se passe-t-il ?
LE MENDIANT. – Il ne se passe rien, mais il vaut mieux que je vous sorte mon histoire maintenant… Dans cinq minutes, comme vous parlez, elle n’aura plus de sens du tout. C’est pour confirmer ce que vous dites ! De ces hérissons écrasés, vous en voyez des dizaines qui ont bien l’air d’avoir eu une mort de hérissons. Leur museau aplati par le pied du cheval, leurs piquants éclatés sous la roue, ce sont des hérissons crevés et c’est tout. Ils sont crevés, en raison de la faute originelle des hérissons, qui est de traverser les chemins départementaux ou vicinaux sous prétexte que la limace ou l’œuf de perdrix a plus de goût de l’autre côté, en réalité pour y faire l’amour des hérissons. Cela les regarde. On ne s’en mêle pas. Et soudain vous en trouvez un, un petit jeune, qui n’est pas étendu tout à fait comme les autres, bien moins salement, la petite patte tendue, les babines bien fermées, bien plus digne, et celui-là on a l’impression qu’il n’est pas mort en tant que hérisson, mais qu’on l’a frappé à la place d’un autre, à votre place. Son petit œil froid, c’est votre œil. Ses piquants, c’est votre barbe. Son sang, c’est votre sang. Je les ramasse toujours ceux-là, d’autant plus que ce sont les plus jeunes, les plus tendres à manger. Passé un an, le hérisson ne se sacrifie plus pour l’homme… Vous voyez que j’ai bien compris. Les dieux se sont trompés, ils voulaient frapper un parjure, un voleur, et ils vous tuent un hérisson… Un jeune…
ÉGISTHE. – Très bien compris.
LE MENDIANT. – Et ce qui est vrai pour les hérissons, c’est vrai pour les autres espèces.
LE PRÉSIDENT. – Bien sûr ! Bien sûr !
LE MENDIANT. – Comment, bien sûr ? C’est complètement faux. Prenez la fouine. Tout président du tribunal que vous êtes, vous n’allez pas prétendre que vous avez vu des fouines mourir pour vous ?
ÉGISTHE. – Vous permettez que nous continuions à parler d’Électre ?
LE MENDIANT. – Parlez ! Parlez ! D’ailleurs, réciproquement, je dois dire que quand vous voyez des hommes morts, beaucoup ont l’air d’être morts pour des bœufs, des porcs, des tortues, et pas beaucoup pour les hommes. Un homme qui a l’air d’être mort pour les hommes, je peux le dire, cela se cherche… Ou même pour son propre compte… On va la voir ?
ÉGISTHE. – Voir qui ?
LE MENDIANT. – Électre… Je voudrais bien la voir avant qu’on la tue.
ÉGISTHE. – Tuer Électre ? Qui parle de tuer Électre ?
LE MENDIANT. – Vous.
LE PRÉSIDENT. – Jamais il n’a été question de tuer Électre !
LE MENDIANT. – Moi, j’ai une qualité. Je ne comprends pas les paroles des gens. Je n’ai pas d’instruction. Je comprends les gens… Vous voulez tuer Électre.
LE PRÉSIDENT. – Vous ne comprenez pas du tout, inconnu. Cet homme est Égisthe, le cousin d’Agamemnon, et Électre est sa nièce chérie.
LE MENDIANT. – Est-ce qu’il y a deux Électre ? Celle dont il a parlé, qui va tout gâter, et une seconde, qui est sa nièce chérie ?
LE PRÉSIDENT. – Non ! Il n’y en a qu’une.
LE MENDIANT. – Alors, il veut la tuer ! Il n’y a aucun doute. Il veut tuer sa nièce chérie.
LE PRÉSIDENT. – Je vous assure que vous ne comprenez pas !
LE MENDIANT. – Moi, je roule beaucoup. Je connaissais une famille Narsès… Elle, bien mieux que lui… Elle était malade, elle avalait de l’air… Mais bien mieux que lui… Aucune comparaison.
LE JARDINIER. – Il a bu, c’est un mendiant.
LE PRÉSIDENT. – Il rabâche, c’est un dieu.
Guthrie- .
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Il y a beacoup de philosophie au sens rustique du terme, dans la bouche du Mendiant. Que Jean-Dominique n'est-il entre nous pour nous dire, assez jeune pour comprendre, plus que moi en tous cas, le sens , les sens dissimulés de cette longue dissertation hérissonnière! Jésus parlalt en paraboles, Giiraudoux aussi mais ils se trouve que les deux sont d'essence maçonnique, l'humanité et l'humanisme? Je l'écrivais en lui envoyant, à ce Frère aux tempes grises, le "Littérature" de Giraudoux, A mon avis que tout Maçon devrait avoir lu ce livre. "Electre", magnifique exercice de style, n'est pas moins recommandable.
A ce propos, une remarque, cher Guthrie. Vous excipez de l'exemple de Giraudoux qu'il vaut mieux avoir écrit des romans pour faire des pièces de théâtres acceptables. Dumas Père avait écrit "Henri III et sa cour" et "Anthony" qu'il fit représenter sans succès. Ceci n'annonçait pas "Les trois Mousquetaires" ou" Monte-Cristo". Où sont les romans de Molière ?
Fermons cette parenthèse. Voici de quoi alimenter ceux qui, ainsi que Yaka, ont une fringale impatiente de notre auteur . Pourtant je ne trouve pas tellement de quoi sourire, sans retenue ,des lapsus des uns et des autres. Au delà de l'Athéisme de Jean Giraudoux, je retrouve la mort. Celle d'Electre et la sienne à lui, prématurée quoiqu'il ne crût pas en Dieu.
A ce propos, une remarque, cher Guthrie. Vous excipez de l'exemple de Giraudoux qu'il vaut mieux avoir écrit des romans pour faire des pièces de théâtres acceptables. Dumas Père avait écrit "Henri III et sa cour" et "Anthony" qu'il fit représenter sans succès. Ceci n'annonçait pas "Les trois Mousquetaires" ou" Monte-Cristo". Où sont les romans de Molière ?
Fermons cette parenthèse. Voici de quoi alimenter ceux qui, ainsi que Yaka, ont une fringale impatiente de notre auteur . Pourtant je ne trouve pas tellement de quoi sourire, sans retenue ,des lapsus des uns et des autres. Au delà de l'Athéisme de Jean Giraudoux, je retrouve la mort. Celle d'Electre et la sienne à lui, prématurée quoiqu'il ne crût pas en Dieu.
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Je pense que le hérisson c'est Electre. Avec la parabole sur la mort du petit hérisson écrasé par le destin, le Mendiant explique à sa manière, à l'assemblée royale qui n'entend rien à ses histoires d'animaux, qu'Egisthe caresse le dessein d'assassiner Electre. C'est compliqué comme situation car le Président ne comprend ni Egisthe ni le Mendiant mais à la fin de la scène - que je n'ai pu mettre, hélas, l'extrait posté est déjà bien assez long - Egisthe et le Mendiant se comprennent l'un l'autre. Mais je me trompe peut-être... Quant à Molière, au-delà de son génie comique, dramatique, de son acuité à dépeindre les travers humains, il a un style besogneux, irrégulier. Non, je voulais dire que Giraudoux arrive au théâtre avec un style mature qu'il maîtrise à la perfection. Il n'a pas eu besoin de se faire la main. Il lui aura suffi d'écouter les conseils de Jouvet pour élaguer sa copie car j'imagine qu'il devait en apporter toujours trop.
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Guthrie- .
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Pauvre petit hérisson dont le Mendiant nous confie la destinée, tout en nous cachant (comme à lui-même ?...Pas sûr !) que c'est le destin d'Electre. Dans Jean Anoulh, et spécialement dans son Antigone, il y a des figures féminines, éponymes des pièces, qui souffrent sous le regard indfférent de la divinité (je vous renvoie à l'oeuvre de Jean-Dominique sur ce sujet).
On pourrait dire que ces oeuvres de nos deux auteurs dramatiques de ce temps sont le travail de gens propres, sur eux et dans ce qu'ils écrivent, mais surtout en eux, ce qui est, à mes yeux, bien plus important.
J'ai eu, du vivant de ma Catherine, un hérisson, habitué de notre jardinet. Les soirs d'été, il venait près de nous quèter ses morceaux de fromage. Il trottinait sous les branches et, avez-vous vu un hérisson boire en se soulevant ? Tous piquants prêts, comme Electre, il a un oeil tendre et aigu.
Il est mort lui aussi .Ecrasé. En venant chez nous ou "de l'autre côté" là où ça sentait "propre". par amour, je ne sais (mais j'en sais bien moins que le Mendiant de Giraudoux). Par avidité dans tous les cas, comme Electre, avidité qui avait en soi la connaissance, la stupeur, la cécité, tout ce qui fait de la vie une occasion d'être vie-victime. Antigone, Electre, sont belles, mais, symboliquement, ne sont-elles pas des syndrômes de la crise de l'humanisme moderne, disait Jean Anouilh, "une grande oreille janséniste, coiffée d'un petit chapeau d'Arlequin " ? . C'est peut-être un autre subterfuge pour contourner votre "ironie souriante"...
On pourrait dire que ces oeuvres de nos deux auteurs dramatiques de ce temps sont le travail de gens propres, sur eux et dans ce qu'ils écrivent, mais surtout en eux, ce qui est, à mes yeux, bien plus important.
J'ai eu, du vivant de ma Catherine, un hérisson, habitué de notre jardinet. Les soirs d'été, il venait près de nous quèter ses morceaux de fromage. Il trottinait sous les branches et, avez-vous vu un hérisson boire en se soulevant ? Tous piquants prêts, comme Electre, il a un oeil tendre et aigu.
Il est mort lui aussi .Ecrasé. En venant chez nous ou "de l'autre côté" là où ça sentait "propre". par amour, je ne sais (mais j'en sais bien moins que le Mendiant de Giraudoux). Par avidité dans tous les cas, comme Electre, avidité qui avait en soi la connaissance, la stupeur, la cécité, tout ce qui fait de la vie une occasion d'être vie-victime. Antigone, Electre, sont belles, mais, symboliquement, ne sont-elles pas des syndrômes de la crise de l'humanisme moderne, disait Jean Anouilh, "une grande oreille janséniste, coiffée d'un petit chapeau d'Arlequin " ? . C'est peut-être un autre subterfuge pour contourner votre "ironie souriante"...
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Oui, vous avez raison. Personnage ombre et lumière également mais aux tons plus prononcés, Electre, rongée par la haine qu'elle voue à sa mère et à Egisthe, réclame pour sortir des ténèbres la plus crue des lumières, la plus aveuglante, à 100 watts et sans abat-jour : la vérité. Pas d'ironie souriante chez elle, non. Electre c'est un cri.
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Guthrie- .
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Est-ce vous qui êtes l'auteur des illustrations de ce sujet ? Si oui, tous mes compliments. Dans le cas différent, mes compliments à l'artiste qui nous a gratifiés de ces oeuvres d'art.
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Nous sommes deux : mon ami Photoshop et moi. Heureux que ces petits montages vous plaisent. Cela prouve que nous avons gardé, vous et moi, une âme d'adolescent.
Guthrie- .
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Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Oh oui , Guthrie !
"Gardé" ?
Ce n'est pas l'effet du hasard. Tout est poésie pour moi. Et, de là, conserver l'âge de mes plus jeunes années n'est qu'un jeu. J'ai essayé des jeux tristes (car il en est et Giraudoux me semble l'exemple du joueur à ces jeux tristes qui le ravissent) puis, en vieillissant, je me suis senti de plus en plus adolescent -- un mot que je n'aime pas, pour sa non-finition --. ce qui, à près de 88 ans, étonne chaque pékin rencontré. Si j'aime , n'était l'Issue, mon âge c'est précisément qu'à l'inverse de Giraudoux qui n'a pas eu de vieillesse, je jouis de lui, de Racine et de vos montages, très intensément.
On dit des vieux qu'ils retournent en enfance. Moi, je n'en suis jamais sorti !
"Gardé" ?
Ce n'est pas l'effet du hasard. Tout est poésie pour moi. Et, de là, conserver l'âge de mes plus jeunes années n'est qu'un jeu. J'ai essayé des jeux tristes (car il en est et Giraudoux me semble l'exemple du joueur à ces jeux tristes qui le ravissent) puis, en vieillissant, je me suis senti de plus en plus adolescent -- un mot que je n'aime pas, pour sa non-finition --. ce qui, à près de 88 ans, étonne chaque pékin rencontré. Si j'aime , n'était l'Issue, mon âge c'est précisément qu'à l'inverse de Giraudoux qui n'a pas eu de vieillesse, je jouis de lui, de Racine et de vos montages, très intensément.
On dit des vieux qu'ils retournent en enfance. Moi, je n'en suis jamais sorti !
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Quand d'autres embaument esprit et corps dans leur appartement comme dans une ancestrale tombe d'Egypte, vous avez l'esprit à l'air libre, Hérodote. Rien de vous ne sent le renfermé. C'est pourquoi nous aimons vous lire. L'ensemble de vos interventions reflète un esprit échappé aux ruines de la vieillesse, au piège de la momification. Mieux qu'une leçon pour nous : une clé. Une clé forgée dans le plus précieux des métaux.
Guthrie- .
- Messages : 2547
Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Allez, un dernier extrait de cette Electre avec le début de l'Acte II où c'est davantage le Giraudoux musicien qui se fait entendre.
Electre assise et tenant son frère Oreste endormi.Le mendiant. Un coq.
Une trompette lointaine.
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LE MENDIANT. – Il n’est plus bien loin, n’est-ce pas, Électre ?
ÉLECTRE. – Oui. Elle n’est plus bien loin.
LE MENDIANT. – Je dis Il. Je parle du jour.
ÉLECTRE. – Je parle de la lumière.
LE MENDIANT. – Cela ne va pas te suffire que les visages des menteurs soient éclatants de soleil ? Que les adultères et les assassins se meuvent dans l’azur ? C’est cela le jour. Ce n’est déjà pas mal.
ÉLECTRE. – Non. Je veux que leur visage soit noir en plein midi, leurs mains rouges. C’est cela la lumière. Je veux que leurs yeux soient cariés, leur bouche pestilentielle.
LE MENDIANT. – Pendant que tu y es, tu ne saurais trop demander.
ÉLECTRE. – C’est le coq… Je le réveille ?
LE MENDIANT. – Réveille-le si tu veux. Moi je lui donnerais cinq minutes.
ÉLECTRE. – Cinq minutes de néant… Pauvre cadeau.
LE MENDIANT. – On ne sait jamais. Il y a un insecte, paraît-il, qui ne vit que cinq minutes. En cinq minutes, il est jeune, adulte, cacochyme, il épuise toutes les combinaisons d’histoires d’enfance, d’adolescence, de déboîtage du genou et de cataracte, d’unions légitimes ou morganatiques. Tiens, depuis que je parle, il doit en être au moins à la rougeole et à la puberté.
ÉLECTRE. – Attendons sa mort. C’est tout ce que j’accorde.
LE MENDIANT. – D’autant qu’il dort bien, notre frère.
ÉLECTRE. – Oui. Elle n’est plus bien loin.
LE MENDIANT. – Je dis Il. Je parle du jour.
ÉLECTRE. – Je parle de la lumière.
LE MENDIANT. – Cela ne va pas te suffire que les visages des menteurs soient éclatants de soleil ? Que les adultères et les assassins se meuvent dans l’azur ? C’est cela le jour. Ce n’est déjà pas mal.
ÉLECTRE. – Non. Je veux que leur visage soit noir en plein midi, leurs mains rouges. C’est cela la lumière. Je veux que leurs yeux soient cariés, leur bouche pestilentielle.
LE MENDIANT. – Pendant que tu y es, tu ne saurais trop demander.
ÉLECTRE. – C’est le coq… Je le réveille ?
LE MENDIANT. – Réveille-le si tu veux. Moi je lui donnerais cinq minutes.
ÉLECTRE. – Cinq minutes de néant… Pauvre cadeau.
LE MENDIANT. – On ne sait jamais. Il y a un insecte, paraît-il, qui ne vit que cinq minutes. En cinq minutes, il est jeune, adulte, cacochyme, il épuise toutes les combinaisons d’histoires d’enfance, d’adolescence, de déboîtage du genou et de cataracte, d’unions légitimes ou morganatiques. Tiens, depuis que je parle, il doit en être au moins à la rougeole et à la puberté.
ÉLECTRE. – Attendons sa mort. C’est tout ce que j’accorde.
LE MENDIANT. – D’autant qu’il dort bien, notre frère.
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ÉLECTRE. – Il s’est endormi aussitôt. Il m’a échappé. Il a glissé dans le sommeil comme dans sa vraie vie.
LE MENDIANT. – Il y sourit. C’est sa vraie vie.
ÉLECTRE. – Dis-moi tout, mendiant, excepté que la vraie vie d’Oreste est de sourire !
LE MENDIANT. – De rire aux éclats, d’aimer, de bien s’habiller, d’être heureux. Je l’ai deviné rien qu’à le voir. Bien servi par l’existence, ce serait un pinson, Oreste.
ÉLECTRE. – Il tombe mal.
LE MENDIANT. – Oui, il ne tombe pas très bien. Raison de plus pour ne pas le presser.
ÉLECTRE. – Soit. Puisqu’il a été créé pour rire aux éclats, pour bien s’habiller, puisqu’il est un pinson, Oreste, puisqu’il va se réveiller pour toujours sur l’épouvante, je lui donne cinq minutes.
LE MENDIANT. – D’autant qu’à ta place, puisque tu as le choix, je m’arrangerais pour que ce matin le jour et la vérité prennent leur départ en même temps. Cela ne signifierait pas plus qu’un attelage à deux, mais c’est cela qui serait d’une jeune fille, et à moi tu me ferais plaisir. La vérité des hommes colle trop à leurs habitudes, elle part n’importe comment, de neuf heures du matin quand les ouvriers déclarent leur grève, de six heures du soir quand la femme avoue, et cætera : ce sont de mauvais départs, c’est toujours mal éclairé. Moi je suis habitué aux animaux. Ceux-là savent partir. Le premier bond du lapin dans sa bruyère, à la seconde où surgit le soleil, le premier saut sur son échasse de la sarcelle, le premier galop de l’ourson hors de son rocher, cela, je te l’assure, c’est un départ vers la vérité. S’ils n’arrivent pas, c’est vraiment qu’ils n’ont pas à arriver. Un rien les distrait, un goujon, une abeille. Mais fais comme eux, Électre, pars de l’aurore.
ÉLECTRE. – Heureux règne où le goujon et l’abeille sont des mensonges ! Mais ils bougent déjà, tes animaux !
LE MENDIANT. – Non. Ce sont ceux de la nuit qui rentrent. Les chouettes, les rats. C’est la vérité de la nuit qui rentre… Chut, écoute les deux derniers, les rossignols naturellement : la vérité des rossignols.
LE MENDIANT. – Il y sourit. C’est sa vraie vie.
ÉLECTRE. – Dis-moi tout, mendiant, excepté que la vraie vie d’Oreste est de sourire !
LE MENDIANT. – De rire aux éclats, d’aimer, de bien s’habiller, d’être heureux. Je l’ai deviné rien qu’à le voir. Bien servi par l’existence, ce serait un pinson, Oreste.
ÉLECTRE. – Il tombe mal.
LE MENDIANT. – Oui, il ne tombe pas très bien. Raison de plus pour ne pas le presser.
ÉLECTRE. – Soit. Puisqu’il a été créé pour rire aux éclats, pour bien s’habiller, puisqu’il est un pinson, Oreste, puisqu’il va se réveiller pour toujours sur l’épouvante, je lui donne cinq minutes.
LE MENDIANT. – D’autant qu’à ta place, puisque tu as le choix, je m’arrangerais pour que ce matin le jour et la vérité prennent leur départ en même temps. Cela ne signifierait pas plus qu’un attelage à deux, mais c’est cela qui serait d’une jeune fille, et à moi tu me ferais plaisir. La vérité des hommes colle trop à leurs habitudes, elle part n’importe comment, de neuf heures du matin quand les ouvriers déclarent leur grève, de six heures du soir quand la femme avoue, et cætera : ce sont de mauvais départs, c’est toujours mal éclairé. Moi je suis habitué aux animaux. Ceux-là savent partir. Le premier bond du lapin dans sa bruyère, à la seconde où surgit le soleil, le premier saut sur son échasse de la sarcelle, le premier galop de l’ourson hors de son rocher, cela, je te l’assure, c’est un départ vers la vérité. S’ils n’arrivent pas, c’est vraiment qu’ils n’ont pas à arriver. Un rien les distrait, un goujon, une abeille. Mais fais comme eux, Électre, pars de l’aurore.
ÉLECTRE. – Heureux règne où le goujon et l’abeille sont des mensonges ! Mais ils bougent déjà, tes animaux !
LE MENDIANT. – Non. Ce sont ceux de la nuit qui rentrent. Les chouettes, les rats. C’est la vérité de la nuit qui rentre… Chut, écoute les deux derniers, les rossignols naturellement : la vérité des rossignols.
Guthrie- .
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
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Voici quelques minutes de l'Opéra de Richard Strauss "Elektra" donné à l'Opéra de Marseille que j'ai choisi pour vous , Guthrie et aussi pour Odyseus, et tous les Marseillais du Forum. C'est extrait d'une répétition de cet Opéra, tonitruant, comme Richard Strauss a su se glisser dans la peau de ce personnage qui inspira quatre grands "tragiques" : Eschyle, Sophocle, Euripide et.. Giraudoux. Si, techniquement, ça ne marche pas, j'ai fait ça au hasard et je recommencerai.
Electre dans l'extrait de l'Electre de Giraudoux que vous nous proposez, c'est l'une des faces de la Mort, l'autre étant le Mendiant et l'autre l''enfant-Oreste, matricide plongé dans son sommeil de pinson. Tout serait à citer dans ce court dialogue. Giraudoux sait être éclatant ainsi que son maître et fondateur, Racine.
Voici quelques minutes de l'Opéra de Richard Strauss "Elektra" donné à l'Opéra de Marseille que j'ai choisi pour vous , Guthrie et aussi pour Odyseus, et tous les Marseillais du Forum. C'est extrait d'une répétition de cet Opéra, tonitruant, comme Richard Strauss a su se glisser dans la peau de ce personnage qui inspira quatre grands "tragiques" : Eschyle, Sophocle, Euripide et.. Giraudoux. Si, techniquement, ça ne marche pas, j'ai fait ça au hasard et je recommencerai.
Electre dans l'extrait de l'Electre de Giraudoux que vous nous proposez, c'est l'une des faces de la Mort, l'autre étant le Mendiant et l'autre l''enfant-Oreste, matricide plongé dans son sommeil de pinson. Tout serait à citer dans ce court dialogue. Giraudoux sait être éclatant ainsi que son maître et fondateur, Racine.
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Merci Hérodote pour cette attention.
Clytemnestre, dans l'extrait vidéo que vous proposez, a vraiment l'air d'une peau de vache.
C'est tout à fait l'image que l'on se fait d'elle.
Quand on voit sa tête, on ne peut être que du côté d'Electre !
Clytemnestre, dans l'extrait vidéo que vous proposez, a vraiment l'air d'une peau de vache.
C'est tout à fait l'image que l'on se fait d'elle.
Quand on voit sa tête, on ne peut être que du côté d'Electre !
Guthrie- .
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
C'est pour ne pas faire fuir les membres du Forum que je n'ai montré qu'une minute et demi de Clytemnestre ! (S'il y a du monde qui vient regarder notre duo .Ca me rappelle Ravel...) .
Il faut prévenir les gens qui connaissent peu ou pas du tout Jean Giraudoux, qu'"Electre" est la piece la plus sombre de notre grand auteur dramatique. Ceux qui savent un peu plus se rappelleront des enfants de Thyeste (on n'a pas la recette) cuisinés par leur oncle Atrée et s'en régalant. Agamemnon fils d'Atrée, frère de Ménélas-le-cocu épouse Clytemnestre maîtresse d'Egysthe et mère de deux enfants(entre autres) Electre et Oreste qui survivront à la vengeance de la mort de leur père.
Electre épousera Pylade (que d'aucuns nous rapportent qu'Oreste était son "mignon") qui troquera ainsi le frère pour la soeur. Racine a fort bien décrit le caractère fataliste et résigné de Pylade. Bref résumé de l'histoire des Atrides, symboles jusqu'à nos jours, dans les envolées lyriquement horrifiées des Avocats Généraux de nos Cours, de toute l'horreur qui entoure la paisible vie familiale. On pourrait peut-être parler un peu de pièces qui illustrent mieux le titre que vous avez donné, cher Guthrie, à ce sujet, qui en passionne au moins deux !
Il faut prévenir les gens qui connaissent peu ou pas du tout Jean Giraudoux, qu'"Electre" est la piece la plus sombre de notre grand auteur dramatique. Ceux qui savent un peu plus se rappelleront des enfants de Thyeste (on n'a pas la recette) cuisinés par leur oncle Atrée et s'en régalant. Agamemnon fils d'Atrée, frère de Ménélas-le-cocu épouse Clytemnestre maîtresse d'Egysthe et mère de deux enfants(entre autres) Electre et Oreste qui survivront à la vengeance de la mort de leur père.
Electre épousera Pylade (que d'aucuns nous rapportent qu'Oreste était son "mignon") qui troquera ainsi le frère pour la soeur. Racine a fort bien décrit le caractère fataliste et résigné de Pylade. Bref résumé de l'histoire des Atrides, symboles jusqu'à nos jours, dans les envolées lyriquement horrifiées des Avocats Généraux de nos Cours, de toute l'horreur qui entoure la paisible vie familiale. On pourrait peut-être parler un peu de pièces qui illustrent mieux le titre que vous avez donné, cher Guthrie, à ce sujet, qui en passionne au moins deux !
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Mais nous en parlons, ami Hérodote, nous en parlons. A l'inverse des illustres prédécesseurs dont vous vous faites la chambre d'écho (Eschyle, Sophocle, Racine) l'Electre de Giraudoux nous laisse une saveur toute particulière et j'espère ne pas être mièvre en disant que cette saveur c'est la modestie. Je m'explique. Racine, lui, taille ses pièces à même le marbre – et je vous prie de croire, Hérodote, que je dis ça sans aucune connotation péjorative –, Racine travaille au chef-d'œuvre. Richard Strauss, dans l'aperçu que vous nous avez offert de son Elektra, semble suivre son sillage en recherchant le grandiose. Giraudoux, non. Giraudoux se saisit d'Electre en ouvrant toutes les fenêtres. Il ose créer de bénéfiques courants d'air qui aèrent d'humour le pathétique. Ou bien il s'amuse à contrebalancer l'effet, en lestant de sérieux le burlesque, l'insignifiant, le frivole. Car Giraudoux, et c'est là son charme, fait semblant d'être tragique. Giraudoux, et c'est ce qui le rend énergiquement modeste à mes yeux, fait semblant de viser haut. Malgré la contrainte, qui le somme de faire d'Electre (âme noire) le personnage central, il en joue et évite l'écueil du pathos propre aux Tragédies antiques en accordant autant la parole – sinon plus – aux petits personnages : mendiant, jardinier, enfants, animaux. Pour lui ces êtres sont peut-être même d'un plus digne intérêt. C'est pourquoi quand il oppose aux dieux le discours du Mendiant sur le petit hérisson, il ne fait pas que railler la religion mais il dit qu'on se doit d'accorder sur terre autant de place aux hérissons qu'à ces formes célestes abstraites. Nombre de ses détracteurs le taxent de préciosité ou d'auteur cul-cul-la-praline, ceux-là je crois s'arrêtent aux apparences. Giraudoux est un auteur microcosmique de même tonneau que les philosophes asiatiques ou animistes. Dans son application à mettre l'infiniment petit sur le même plan que les Dieux, les Empereurs, les Rois, les Généraux, il en ressort grand et son écriture sanitaire.
D'ailleurs vous-même, Hérodote, la parabole de l'hérisson, vous la pratiquez en englobant tous les êtres. Derrière les phrases, entre les lignes, cette âme qui nous parle c'est la nôtre : J'ai eu, du vivant de ma Catherine, un hérisson habitué de notre jardinet. Les soirs d'été, il venait près de nous quêter ses morceaux de fromage. Il trottinait sous les branches et, avez-vous vu un hérisson boire en se soulevant ? Tous piquants prêts, comme Electre, il avait l'œil tendre et aigu. Il est mort lui aussi. Ecrasé. En venant chez nous ou "de l'autre côté" là où ça sentait "propre". Par amour, je ne sais. Par avidité dans tous les cas, comme Electre, avidité qui avait en soi la connaissance, la stupeur, la cécité, tout ce qui fait de la vie une occasion d'être vie-victime.
Guthrie- .
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
C'est fou ce que, Guthrie, j"apprécie mon style dès qu'il est cité par d'autres.C'est toujours le cas. Mes livres devraient être relus et recopiés par d'autres personnes. Ce n'est plus moi qui écris, mais quelqu'un qui m'est incomparablement supérieur. Il suffit de modification de "polices" ou simplement de mise en italique, ce qui est le cas ci-dessus, pour que je me dise: "Ah tiens, voici Guthrie qui cite quelqu'un" et que je m'intéresse à la citation comme si elle était l'extrait d'un autre auteur. Et je trouve des tas de vertus, stylistiques surtout, jusqu'à ce que je m'aperçoive que c'est moi,bien moi, qui suis l'auteur de ce passage.. Comment expliquez-vous ceci ?
Nous n'avons pas quitté le fond de votre intervention : la Modestie de Giraudoux, face à ce Michel-Ange de la Littérature que serait Racine, n'est pas à sa place de mon côté. Je suppose que Giraudoux était modeste comme ces campagnards du Centre qui ne sont de nulle part à la limite d'oil et d'oc, insoucieux de leur côté germain mêlé à leur côté celte,.à tel point que, quand j'y songe, je me dis que Breton, je vous collerais du "gwenn ha du" partout, comme c'est déjà le cas sur ce Forum.
Si l'on compare Electre à Ondine, aussi mythique l'une que l'autre, on s'aperçoit que notre auteur glisse par ses courants d'air autant de drame et d'allusions plaisantes dans l'une que dans l'autre.. Je ne vois plus rien à dire de plus. Vous avez rassemblé l'essentiel dans le paragraphe qui précède celui-ci. Et merci d'avoir conclu comme vous l'avez fait par cette apologue du hérisson. Tout Giraudoux y est.
Nous n'avons pas quitté le fond de votre intervention : la Modestie de Giraudoux, face à ce Michel-Ange de la Littérature que serait Racine, n'est pas à sa place de mon côté. Je suppose que Giraudoux était modeste comme ces campagnards du Centre qui ne sont de nulle part à la limite d'oil et d'oc, insoucieux de leur côté germain mêlé à leur côté celte,.à tel point que, quand j'y songe, je me dis que Breton, je vous collerais du "gwenn ha du" partout, comme c'est déjà le cas sur ce Forum.
Si l'on compare Electre à Ondine, aussi mythique l'une que l'autre, on s'aperçoit que notre auteur glisse par ses courants d'air autant de drame et d'allusions plaisantes dans l'une que dans l'autre.. Je ne vois plus rien à dire de plus. Vous avez rassemblé l'essentiel dans le paragraphe qui précède celui-ci. Et merci d'avoir conclu comme vous l'avez fait par cette apologue du hérisson. Tout Giraudoux y est.
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