Giraudoux ou l'ironie souriante
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
L'opposition entre les Dieux et les hommes, thème cher à Giraudoux, apparaît dans le dialogue entre Alcmène et Jupiter au matin de leur nuit d'amour. Ce conflit, Giraudoux le résout toujours par la même équation : l'humain est préférable au divin. Voici le passage où Jupiter (déguisé en Amphitryon) tente non sans mal d'expliquer la Création à une femme encore moins impressionnée que convaincue.
JUPITER
Au début, régnait le chaos… L’idée vraiment géniale de Jupiter, c’est d’avoir pensé à le dissocier en quatre éléments.
ALCMÈNE
Nous n’avons que quatre éléments ?
JUPITER
Quatre, et le premier est l’eau, et ce ne fut pas le plus simple à créer, je te prie de le croire ! Cela semble naturel, à première vue, l’eau. Mais imaginer de créer l’eau, avoir l’idée de l’eau, c’est autre chose !
ALCMÈNE
Que pleuraient les déesses, à cette époque, du bronze ?
JUPITER
Ne m’interromps pas. Je tiens à bien te montrer ce qu’était Jupiter. Il peut t’apparaître tout d’un coup. Tu n’aimerais pas qu’il t’expliquât cela lui-même, dans sa grandeur ?
ALCMÈNE
Il a dû l’expliquer trop souvent. Tu y mettras plus de fantaisie.
JUPITER
Où en étais-je ?
ALCMÈNE
Nous avions presque fini, au chaos originel…
JUPITER
Ah oui ! Jupiter eut soudain l’idée d’une force élastique et incompressible, qui comblerait les vides, et amortirait tous les chocs d’une atmosphère encore mal réglée.
ALCMÈNE
L’idée de l’écume, elle est de lui ?
JUPITER
Non, mais l’eau une fois née, il lui vint à l’esprit de la border par des rives, irrégulières, pour briser les tempêtes, et de semer sur elle, afin que l’œil des dieux ne fût pas toujours agacé par un horizon miroitant, des continents, solubles ou rocailleux. La terre était créée, et ses merveilles…
ALCMÈNE
Et les pins ?
JUPITER
Les pins ?
ALCMÈNE
Les pins parasols, les pins cèdres, les pins cyprès, toutes ces masses vertes ou bleues sans lesquelles un paysage n’existe pas… et l’écho ?
JUPITER
L’écho ?
ALCMÈNE
Tu réponds comme lui. Et les couleurs, c’est lui qui a créé les couleurs ?
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JUPITER
Les sept couleurs de l’arc-en-ciel, c’est lui.
ALCMÈNE
Je parle du mordoré, du pourpre, du vert lézard, mes préférées ?
JUPITER
Il a laissé ce soin aux teinturiers. Mais, recourant aux vibrations diverses de l’éther, il a fait que par les chocs de doubles chocs moléculaires, ainsi que par les contre-réfractions des réfractions originelles, se tendissent à travers l’univers mille réseaux différents de son ou de couleur, perceptibles ou non (après tout il s’en moque !) aux organes humains.
ALCMÈNE
C’est exactement ce que je disais.
JUPITER
Que disais-tu ?
ALCMÈNE
Qu’il n’a rien fait ! Que nous plonger dans un terrible assemblage de stupeurs et d’illusions, où nous devons nous tirer seuls d’affaire, moi et mon cher mari.
JUPITER
Tu es impie, Alcmène, sache que les dieux t’entendent !
ALCMÈNE
L’acoustique n’est pas la même pour les dieux que pour nous. Le bruit de mon cœur couvre sûrement pour des êtres suprêmes celui de mon bavardage, puisque c’est celui d’un cœur simple et droit. D’ailleurs pourquoi m’en voudraient-ils ? Je n’ai pas à nourrir de reconnaissance spéciale à Jupiter sous le prétexte qu’il a créé quatre éléments au lieu des vingt qu’il nous faudrait, puisque de toute éternité c’était son rôle, tandis que mon cœur peut déborder de gratitude envers Amphitryon, mon cher mari, qui a trouvé le moyen, entre ses batailles, de créer un système de poulies pour fenêtres et d’inventer une nouvelle greffe pour les vergers. Tu as modifié pour moi le goût d’une cerise, le calibre d’un rayon : c’est toi mon créateur. Qu’as-tu à me regarder de cet œil ? Les compliments te déçoivent toujours. Tu n’es orgueilleux que pour moi. Tu me trouves trop terrestre, dis ?
JUPITER
Tu n’as jamais désiré être déesse, ou presque déesse ?
ALCMÈNE
Certes non. Pourquoi faire ?
JUPITER
Pour être honorée et révérée de tous.
ALCMÈNE
Je le suis comme simple femme, c’est plus méritoire.
JUPITER
Pour être d’une chair plus légère, pour marcher sur les airs, sur les eaux.
ALCMÈNE
C’est ce que fait toute épouse, alourdie d’un bon mari.
JUPITER
Pour comprendre les raisons des choses, des autres mondes.
ALCMÈNE
Les voisins ne m’ont jamais intéressée.
JUPITER
Alors, pour être immortelle !
ALCMÈNE
Immortelle ? À quoi bon ? À quoi cela sert-il ?
JUPITER
Comment, à quoi ! Mais à ne pas mourir !
ALCMÈNE
Et que ferai-je, si je ne meurs pas ?
JUPITER
Tu vivras éternellement, chère Alcmène, changée en astre ; tu scintilleras dans la nuit jusqu’à la fin du monde.
ALCMÈNE
Qui aura lieu ?
JUPITER
Jamais.
ALCMÈNE
Charmante soirée !
Au début, régnait le chaos… L’idée vraiment géniale de Jupiter, c’est d’avoir pensé à le dissocier en quatre éléments.
ALCMÈNE
Nous n’avons que quatre éléments ?
JUPITER
Quatre, et le premier est l’eau, et ce ne fut pas le plus simple à créer, je te prie de le croire ! Cela semble naturel, à première vue, l’eau. Mais imaginer de créer l’eau, avoir l’idée de l’eau, c’est autre chose !
ALCMÈNE
Que pleuraient les déesses, à cette époque, du bronze ?
JUPITER
Ne m’interromps pas. Je tiens à bien te montrer ce qu’était Jupiter. Il peut t’apparaître tout d’un coup. Tu n’aimerais pas qu’il t’expliquât cela lui-même, dans sa grandeur ?
ALCMÈNE
Il a dû l’expliquer trop souvent. Tu y mettras plus de fantaisie.
JUPITER
Où en étais-je ?
ALCMÈNE
Nous avions presque fini, au chaos originel…
JUPITER
Ah oui ! Jupiter eut soudain l’idée d’une force élastique et incompressible, qui comblerait les vides, et amortirait tous les chocs d’une atmosphère encore mal réglée.
ALCMÈNE
L’idée de l’écume, elle est de lui ?
JUPITER
Non, mais l’eau une fois née, il lui vint à l’esprit de la border par des rives, irrégulières, pour briser les tempêtes, et de semer sur elle, afin que l’œil des dieux ne fût pas toujours agacé par un horizon miroitant, des continents, solubles ou rocailleux. La terre était créée, et ses merveilles…
ALCMÈNE
Et les pins ?
JUPITER
Les pins ?
ALCMÈNE
Les pins parasols, les pins cèdres, les pins cyprès, toutes ces masses vertes ou bleues sans lesquelles un paysage n’existe pas… et l’écho ?
JUPITER
L’écho ?
ALCMÈNE
Tu réponds comme lui. Et les couleurs, c’est lui qui a créé les couleurs ?
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JUPITER
Les sept couleurs de l’arc-en-ciel, c’est lui.
ALCMÈNE
Je parle du mordoré, du pourpre, du vert lézard, mes préférées ?
JUPITER
Il a laissé ce soin aux teinturiers. Mais, recourant aux vibrations diverses de l’éther, il a fait que par les chocs de doubles chocs moléculaires, ainsi que par les contre-réfractions des réfractions originelles, se tendissent à travers l’univers mille réseaux différents de son ou de couleur, perceptibles ou non (après tout il s’en moque !) aux organes humains.
ALCMÈNE
C’est exactement ce que je disais.
JUPITER
Que disais-tu ?
ALCMÈNE
Qu’il n’a rien fait ! Que nous plonger dans un terrible assemblage de stupeurs et d’illusions, où nous devons nous tirer seuls d’affaire, moi et mon cher mari.
JUPITER
Tu es impie, Alcmène, sache que les dieux t’entendent !
ALCMÈNE
L’acoustique n’est pas la même pour les dieux que pour nous. Le bruit de mon cœur couvre sûrement pour des êtres suprêmes celui de mon bavardage, puisque c’est celui d’un cœur simple et droit. D’ailleurs pourquoi m’en voudraient-ils ? Je n’ai pas à nourrir de reconnaissance spéciale à Jupiter sous le prétexte qu’il a créé quatre éléments au lieu des vingt qu’il nous faudrait, puisque de toute éternité c’était son rôle, tandis que mon cœur peut déborder de gratitude envers Amphitryon, mon cher mari, qui a trouvé le moyen, entre ses batailles, de créer un système de poulies pour fenêtres et d’inventer une nouvelle greffe pour les vergers. Tu as modifié pour moi le goût d’une cerise, le calibre d’un rayon : c’est toi mon créateur. Qu’as-tu à me regarder de cet œil ? Les compliments te déçoivent toujours. Tu n’es orgueilleux que pour moi. Tu me trouves trop terrestre, dis ?
JUPITER
Tu n’as jamais désiré être déesse, ou presque déesse ?
ALCMÈNE
Certes non. Pourquoi faire ?
JUPITER
Pour être honorée et révérée de tous.
ALCMÈNE
Je le suis comme simple femme, c’est plus méritoire.
JUPITER
Pour être d’une chair plus légère, pour marcher sur les airs, sur les eaux.
ALCMÈNE
C’est ce que fait toute épouse, alourdie d’un bon mari.
JUPITER
Pour comprendre les raisons des choses, des autres mondes.
ALCMÈNE
Les voisins ne m’ont jamais intéressée.
JUPITER
Alors, pour être immortelle !
ALCMÈNE
Immortelle ? À quoi bon ? À quoi cela sert-il ?
JUPITER
Comment, à quoi ! Mais à ne pas mourir !
ALCMÈNE
Et que ferai-je, si je ne meurs pas ?
JUPITER
Tu vivras éternellement, chère Alcmène, changée en astre ; tu scintilleras dans la nuit jusqu’à la fin du monde.
ALCMÈNE
Qui aura lieu ?
JUPITER
Jamais.
ALCMÈNE
Charmante soirée !
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Guthrie- .
- Messages : 2547
Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Intermezzo
Un spectre hante une petite ville. Depuis ses apparitions l'ordre des choses est étrangement renversé : l'argent va aux pauvres, les chiens battus mordent leur bourreau, le bonheur va aux malheureux. Si cet événement en inquiète plus d'un, Isabelle préfère le vivre en se laissant aller à un état de délire poétique. Chaque soir, elle se promène dans la lande pour retrouver le fantôme. L'être diaphane et l'être de chair semblent s'attirer. Qui est ce spectre ? Pourquoi Isabelle cherche-t-elle à faire l'amour avec la mort alors que les prétendants humains ne manquent pas autour d'elle ? Que veut-il ? Que représente-t-il ? Une chose est certaine, la relation qu'entretient la jeune femme avec l'au-delà commence à faire jaser. On l'accuse de sorcellerie, d'attirer le mauvais œil sur la ville. On décide alors de tuer le spectre mais - évidemment - il renaît après l'exécution. L'amour cependant va réussir là où la Raison a échoué, Isabelle, "désenchantée" du revenant par la passion que lui porte le contrôleur des poids et mesures, s'arrache à la poésie noire de l'au-delà et reviendra à des désirs plus simples.
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Guthrie- .
- Messages : 2547
Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Je ne vois que l'ironie. Mais le sourire ?
Intermezzo est parmi les pièces les plus sombres que Giraudoux ait écrites. C'est la plus racinienne de ses pièces et il l'eût pris sans doute comme un éloge.Le jeu de l'Amour et de la Mort dont, dans "Littérature", notre auteur taille un buste merveilleux (je pense notamment à la fin de l'essai sur Choderlos de Laclos) est présent affreusement, jusque dans sa médiocrité finale, depuis le début jusqu'à la fin de cette pièce. L'opposé de Musset.
J'ai assisté à une représentation de cette pièce invité par mon futur beau-frère (étudiant de cinq ans plus âgé que moi). Je crois que j'avais saisi le sens profond de cette pièce hors série comme toutes les pièces de Giraudoux sont hors-série. Mon futur beau-frère avait l'âme noble si la chair pouvait être sujette à défaillances : c'est ainsi qu'il ne me garda jamais rancune du fait que c'est grâce à moi qu'il avait connu ma soeur, avec laquelle il ne joua certainement pas "Intermezzo". Mais nous nous comprenions très bien tous les deux et, au delà, de la calamité que fut son union avec celle qui est toujours ma soeur nonagénaire, nous avions le culte commun de Jouvet et, ipso facto, de Jean Giraudoux.
Je crois comprendre , Guthrie, pourquoi vous avez choisi "Intermezzo". C'est, plus proche que l'ironie souriante, l'ironie dérisoire 'avec le Contrôleur des poids et mesures tombé là, non pas du tout par hasard.
Intermezzo est parmi les pièces les plus sombres que Giraudoux ait écrites. C'est la plus racinienne de ses pièces et il l'eût pris sans doute comme un éloge.Le jeu de l'Amour et de la Mort dont, dans "Littérature", notre auteur taille un buste merveilleux (je pense notamment à la fin de l'essai sur Choderlos de Laclos) est présent affreusement, jusque dans sa médiocrité finale, depuis le début jusqu'à la fin de cette pièce. L'opposé de Musset.
J'ai assisté à une représentation de cette pièce invité par mon futur beau-frère (étudiant de cinq ans plus âgé que moi). Je crois que j'avais saisi le sens profond de cette pièce hors série comme toutes les pièces de Giraudoux sont hors-série. Mon futur beau-frère avait l'âme noble si la chair pouvait être sujette à défaillances : c'est ainsi qu'il ne me garda jamais rancune du fait que c'est grâce à moi qu'il avait connu ma soeur, avec laquelle il ne joua certainement pas "Intermezzo". Mais nous nous comprenions très bien tous les deux et, au delà, de la calamité que fut son union avec celle qui est toujours ma soeur nonagénaire, nous avions le culte commun de Jouvet et, ipso facto, de Jean Giraudoux.
Je crois comprendre , Guthrie, pourquoi vous avez choisi "Intermezzo". C'est, plus proche que l'ironie souriante, l'ironie dérisoire 'avec le Contrôleur des poids et mesures tombé là, non pas du tout par hasard.
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Bravo et mille mercis pour cette illustration qui parle de nos interventions respectives mieux qu'elles-mêmes sans doute (la mienne du moins).
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Le Jeu de l'Amour et de la Mort, oui.
Ou encore La Jeune Fille et la Mort, ce fameux poème de Matthias Claudius qui inspira à Schubert un quatuor et un lied.
La MortOu encore La Jeune Fille et la Mort, ce fameux poème de Matthias Claudius qui inspira à Schubert un quatuor et un lied.
Donne-moi la main, douce et belle créature !
Je suis ton amie, tu n'as rien à craindre.
Laisse-toi faire ! N'aie pas peur...
Viens doucement dormir dans mes bras.
Merci, Hérodote, et rassurez-vous, j'ai aussi le sentiment que mes pauvres phrases sont de trop autour des illustrations. Mais il nous faut bien parler ! Ne serait-ce que pour s'ébrouer et se sentir vivant.
Guthrie- .
- Messages : 2547
Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
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Et voici l'illustration auditive: Par le quatuor "animato", l'Andante qui correspond le mieux à votre citation de Claudius et qui va pour Isabelle, d'"Intermezzo", un extrait seulement. Il y le choix des lieder issus de la même source. Mais en allemand, "mort" est masculin, ce qui organise encore mieux l'antagonisme et aussi la complicité. Je ne serai pas ici ce soir. Dieu, que cette musique est belle ! Epouvantablement belle...
Et voici l'illustration auditive: Par le quatuor "animato", l'Andante qui correspond le mieux à votre citation de Claudius et qui va pour Isabelle, d'"Intermezzo", un extrait seulement. Il y le choix des lieder issus de la même source. Mais en allemand, "mort" est masculin, ce qui organise encore mieux l'antagonisme et aussi la complicité. Je ne serai pas ici ce soir. Dieu, que cette musique est belle ! Epouvantablement belle...
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Merci pour le partage, Hérodote !
Et vous dites que la mort en allemand est masculin ?
Vous avez raison, quelle belle coïncidence avec le thème de l'histoire !
Et vous dites que la mort en allemand est masculin ?
Vous avez raison, quelle belle coïncidence avec le thème de l'histoire !
Guthrie- .
- Messages : 2547
Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
"Der Tod und das Mädchen" .
Nous sommes les enfants de notre sol. Mais aussi de notre langue, dont Giraudoux a si bien parlé et dont il a si bien usé... La langue est l'une des strates de la nation, qui ne s'est constituée que par cette accumulation millénaire des sédiments fondateurs.
Lire et relire à ce sujet le bel ouvrage de Jean-Dominique Reffait ("Français de souche") qui démontre ceci plaisamment mais lumineusement (publicité gratuite et même couteuse...!)
Nous sommes les enfants de notre sol. Mais aussi de notre langue, dont Giraudoux a si bien parlé et dont il a si bien usé... La langue est l'une des strates de la nation, qui ne s'est constituée que par cette accumulation millénaire des sédiments fondateurs.
Lire et relire à ce sujet le bel ouvrage de Jean-Dominique Reffait ("Français de souche") qui démontre ceci plaisamment mais lumineusement (publicité gratuite et même couteuse...!)
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Je rentre d'une de nos "réunions" . Au retour nous avons parlé un Frère et moi de Schubert et de la "Jeune fille et la Mort". Il est lui-même voiloniste et a même tenu l'emploi de second violon dans un orchestre non négligeable. Il a donc joué ce quatuor de Schubert. Et je lui ai fait lire il y a un mois Giraudoux ! Quelles belles coïncidences.Je voulais vous en parler, cher Guthrie, alors que je viens d'achever la conversation et qu'il vient juste de rentrer chez lui. Bonne nuit.
Y a-t-il des "Grâces d'état" dans certaines circonstances ?
Y a-t-il des "Grâces d'état" dans certaines circonstances ?
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Bonne nuit, ami Hérodote.
Bonne nuit à tous.
Guthrie- .
- Messages : 2547
Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Et voici, pour ne pas quitter, avant la pirouette finale, le thème d'"Intermezzo," Renée Fleming qui chante "la Jeune Fille et la Mort" de Matthias Claudius, toujours extrait du quatuor éponyme de Franz Schubert. D'autant plus éponyme que c'est une oeuvre posthume de Schubert, qui n'aura passé que 31 ans parmi nous. Qui peut prétendre avoir produit autant de Beauté que ce grand musicien mort si jeune ?
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
c'est vraiment très beau..merci à vous deux pour ces découvertes.
mademoiselle morgane- Nouveau né
- Messages : 24
Date d'inscription : 17/10/2013
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Et merci à vous aussi, d'autant que je l'ai envoyée aussi, Renée et le lied de Schubert, à ma Morgane-à-moi. Qui aime les choses bonnes et belle, aussi.
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
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LE SPECTRE
Vous m'attendiez ?
ISABELLE
Ne vous excusez pas. Moi aussi, si j'étais spectre, je m'attarderais dans ce crépuscule et ces vallons où je n'ai pu jusqu'ici mener qu'un corps opaque. Je ne serais pas encore là si je pouvais, comme vous, envelopper de mon ombre tout ce que je ne peux que toucher ou que voir. Contenir, c'est la seule façon au monde d'approcher... Mais ce que je vous reproche, c'est de revenir ce soir encore seul, toujours seul. Aucun des vôtres n'a pu encore être atteint par vous, se joindre à vous ?
LE SPECTRE
Aucun.
ISABELLE
Nous avions pensé hier, après tous nos échecs, que ce qui avait le plus de chances de les alerter, de les émouvoir, ce devait être une espèce de long cri, de longue plainte, uniforme, répétée longuement. Vous l'avez poussé ce cri ? Vous avez employé votre veille à le pousser ?
LE SPECTRE
Oui.
ISABELLE
Vous-même ? Seul ? Il ne s'est pas joint à votre voix, peu à peu, des milliers de plaintes semblables...
LE SPECTRE
Je me suis heurté au sommeil des morts.
ISABELLE
Ils dorment ?
LE SPECTRE
Est-ce dormir ? Le plus souvent, là où ils s'entassent, règne un frémissement. Une occupation les anime, si intense, qu'il pourrait parfois en jaillir un reflet ou un son.
ISABELLE
Et ils étaient ainsi hier ? Et cela durera longtemps ?
LE SPECTRE
Des siècles... des secondes...
ISABELLE
Et il n'est à espérer aucun secours ?
LE SPECTRE
D'eux-mêmes, j'en doute.
ISABELLE
Ne dites pas cela. Parmi ceux qu'a pris le sort autour de moi, il en est que j'ai sentis dès la première heure pour toujours disparus, rayés désormais de toute vie et de toute mort. Je les ai lâchés sur le néant comme une pierre. Mais il en est d'autres que j'ai donnés à la mort comme à une mission, à une tentative, dont la mort m'a paru au contraire un accès de confiance. L'atmosphère du voyage et du continent inconnu flottait autour du cimetière. On n'était pas tenté de leur dire adieu par des paroles, mais par des gestes. Tout l'après-midi, je les sentais occupés à découvrir un nouveau climat, une nouvelle flore. Il faisait soleil, et je les voyais là-bas soudain touchés par leur nouveau soleil. Il pleuvait, et eux recevaient les premières gouttes de la pluie infernale. Vous n'allez pas me faire croire que ceux-là aussi oublient une fois arrivés ?
LE SPECTRE
Ils ne sont pas arrivés, je ne les ai pas vus.
ISABELLE
Mais vous-même, vous renoncez ? Cela suffit à vos inspirations, à vos désirs, d'errer en spectre au-dessus d'une petite ville ?
LE SPECTRE
Ils ont parfois leurs somnambules. Sans doute j'en suis un.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Vous m'attendiez ?
ISABELLE
Ne vous excusez pas. Moi aussi, si j'étais spectre, je m'attarderais dans ce crépuscule et ces vallons où je n'ai pu jusqu'ici mener qu'un corps opaque. Je ne serais pas encore là si je pouvais, comme vous, envelopper de mon ombre tout ce que je ne peux que toucher ou que voir. Contenir, c'est la seule façon au monde d'approcher... Mais ce que je vous reproche, c'est de revenir ce soir encore seul, toujours seul. Aucun des vôtres n'a pu encore être atteint par vous, se joindre à vous ?
LE SPECTRE
Aucun.
ISABELLE
Nous avions pensé hier, après tous nos échecs, que ce qui avait le plus de chances de les alerter, de les émouvoir, ce devait être une espèce de long cri, de longue plainte, uniforme, répétée longuement. Vous l'avez poussé ce cri ? Vous avez employé votre veille à le pousser ?
LE SPECTRE
Oui.
ISABELLE
Vous-même ? Seul ? Il ne s'est pas joint à votre voix, peu à peu, des milliers de plaintes semblables...
LE SPECTRE
Je me suis heurté au sommeil des morts.
ISABELLE
Ils dorment ?
LE SPECTRE
Est-ce dormir ? Le plus souvent, là où ils s'entassent, règne un frémissement. Une occupation les anime, si intense, qu'il pourrait parfois en jaillir un reflet ou un son.
ISABELLE
Et ils étaient ainsi hier ? Et cela durera longtemps ?
LE SPECTRE
Des siècles... des secondes...
ISABELLE
Et il n'est à espérer aucun secours ?
LE SPECTRE
D'eux-mêmes, j'en doute.
ISABELLE
Ne dites pas cela. Parmi ceux qu'a pris le sort autour de moi, il en est que j'ai sentis dès la première heure pour toujours disparus, rayés désormais de toute vie et de toute mort. Je les ai lâchés sur le néant comme une pierre. Mais il en est d'autres que j'ai donnés à la mort comme à une mission, à une tentative, dont la mort m'a paru au contraire un accès de confiance. L'atmosphère du voyage et du continent inconnu flottait autour du cimetière. On n'était pas tenté de leur dire adieu par des paroles, mais par des gestes. Tout l'après-midi, je les sentais occupés à découvrir un nouveau climat, une nouvelle flore. Il faisait soleil, et je les voyais là-bas soudain touchés par leur nouveau soleil. Il pleuvait, et eux recevaient les premières gouttes de la pluie infernale. Vous n'allez pas me faire croire que ceux-là aussi oublient une fois arrivés ?
LE SPECTRE
Ils ne sont pas arrivés, je ne les ai pas vus.
ISABELLE
Mais vous-même, vous renoncez ? Cela suffit à vos inspirations, à vos désirs, d'errer en spectre au-dessus d'une petite ville ?
LE SPECTRE
Ils ont parfois leurs somnambules. Sans doute j'en suis un.
ISABELLE
Ne croyez pas cela. Vous, je vous ai attiré, je vous ai pris au piège.
LE SPECTRE
Quel piège ?
ISABELLE
J'ai chez moi un piège pour attirer les morts.
LE SPECTRE
Vous êtes une sorcière ?
ISABELLE
Ma sorcellerie est si naturelle. Quand j'imaginais ce à quoi peuvent penser les morts, je ne leur prêtais pas des souvenirs, des visions, mais seulement la conscience de miroitements, de fragments de lueurs, posées sur un angle de cheminée, sur un nez de chat, sur une feuille d'arum, de minuscules épaves colorées surnageant sur leur déluge...
LE SPECTRE
Alors ?
ISABELLE
Alors, toute ma chambre est en apparence une chambre pour vivants, pour petite vivante provinciale. Mais si l'on y regarde de près, on s'aperçoit que tout est calculé pour que cette marque de lumière sur cette objet familier, sur un ventre de potiche, un bouton de tiroir, soit entretenue sans arrêt, le jour par le soleil ou le feu, la nuit par la lampe ou la lune. C'est là mon piège, et je n'ai pas été surprise le soir où j'ai vu votre visage à ma fenêtre. Vous regardiez le reflet de la flamme sur le montant du pare-étincelles, la lune sur l'écaille du réveil, vous regardiez le diamant des ombres : vous étiez pris...
LE SPECTRE
J'étais pris.
ISABELLE
La question est seulement de savoir ce qui vous a retenu.
LE SPECTRE
Ce qui m'a retenu ? Votre voix, d'abord. Ce bavardage de votre voix grâce auquel chaque soir dans le crépuscule il y a maintenant pour les ombres ce qui correspond pour les hommes à l'alouette dans le soleil. Mais surtout cette confiance, si généreuse, que jamais l'idée ne vous a effleurée que je peux vous avoir trompée et que je suis...
ISABELLE
Et que vous êtes ?
LE SPECTRE
Et que je suis vivant !
Ne croyez pas cela. Vous, je vous ai attiré, je vous ai pris au piège.
LE SPECTRE
Quel piège ?
ISABELLE
J'ai chez moi un piège pour attirer les morts.
LE SPECTRE
Vous êtes une sorcière ?
ISABELLE
Ma sorcellerie est si naturelle. Quand j'imaginais ce à quoi peuvent penser les morts, je ne leur prêtais pas des souvenirs, des visions, mais seulement la conscience de miroitements, de fragments de lueurs, posées sur un angle de cheminée, sur un nez de chat, sur une feuille d'arum, de minuscules épaves colorées surnageant sur leur déluge...
LE SPECTRE
Alors ?
ISABELLE
Alors, toute ma chambre est en apparence une chambre pour vivants, pour petite vivante provinciale. Mais si l'on y regarde de près, on s'aperçoit que tout est calculé pour que cette marque de lumière sur cette objet familier, sur un ventre de potiche, un bouton de tiroir, soit entretenue sans arrêt, le jour par le soleil ou le feu, la nuit par la lampe ou la lune. C'est là mon piège, et je n'ai pas été surprise le soir où j'ai vu votre visage à ma fenêtre. Vous regardiez le reflet de la flamme sur le montant du pare-étincelles, la lune sur l'écaille du réveil, vous regardiez le diamant des ombres : vous étiez pris...
LE SPECTRE
J'étais pris.
ISABELLE
La question est seulement de savoir ce qui vous a retenu.
LE SPECTRE
Ce qui m'a retenu ? Votre voix, d'abord. Ce bavardage de votre voix grâce auquel chaque soir dans le crépuscule il y a maintenant pour les ombres ce qui correspond pour les hommes à l'alouette dans le soleil. Mais surtout cette confiance, si généreuse, que jamais l'idée ne vous a effleurée que je peux vous avoir trompée et que je suis...
ISABELLE
Et que vous êtes ?
LE SPECTRE
Et que je suis vivant !
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Guthrie- .
- Messages : 2547
Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Quellle splendeur que ce duo, et surtout les interventions d'Isabelle! Chaque fois que je lis ou j'écoute des textes pareils, je regrette de ne pas les avoir écrits, d'être né "trop tard dans un monde trop vieux" et de me contenter des misérables débris de pensée que Giraudoux a si bien su repousser du pied.
Tel son distinguo sur les deux sortes de morts, celle qu'on envoie au néant dont ils ne devraient pas être sortis, celle qui constitue un continent particulier autour des cimetières et auquel on peut, comme elle, assigner des missions.
Mais chaque syllabe est d'une musique qui se moque du nombre de pieds, du sens de la rime ou de l'assonnance, comme si c'était servi, tout digéré, comme dans le Scherzo de la 9ème Symphonie de Bruckner et qui pourtant n'est que la résonnace du miracle musical.
Il y a dans la prose de Giraudoux une telle mêlée de mélodies que ce texte que vous nous offrez fait que nous sommes les parturients d'un nouvel équilibre entre le néant de la Beauté et son Chaos. C'est un jaillissement des nouveaux-nés littéraires. Se sont-ils éteints avec lui ?
C'est la lancinante question que je me pose ?...
Tel son distinguo sur les deux sortes de morts, celle qu'on envoie au néant dont ils ne devraient pas être sortis, celle qui constitue un continent particulier autour des cimetières et auquel on peut, comme elle, assigner des missions.
Mais chaque syllabe est d'une musique qui se moque du nombre de pieds, du sens de la rime ou de l'assonnance, comme si c'était servi, tout digéré, comme dans le Scherzo de la 9ème Symphonie de Bruckner et qui pourtant n'est que la résonnace du miracle musical.
Il y a dans la prose de Giraudoux une telle mêlée de mélodies que ce texte que vous nous offrez fait que nous sommes les parturients d'un nouvel équilibre entre le néant de la Beauté et son Chaos. C'est un jaillissement des nouveaux-nés littéraires. Se sont-ils éteints avec lui ?
C'est la lancinante question que je me pose ?...
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Le big-bang que vous décrivez, Camus et Sartre (notamment avec Les Mouches) en ont emporté des particules ; d'ailleurs le théâtre de Sartre est sans doute ce qu'il nous a laissé de mieux. Mais dans le passage de témoin, certes, nous avons perdu quelque chose. Peut-être la nuance. Trop conscient de la fragile peau de notre âme, Giraudoux savait nous épargner la moindre piqûre d'aiguille. Camus et Sartre se chargeront de la mutiler. Après eux, on ne pourra plus écrire à la manière de Giraudoux sans tomber dans le style rose-midinette. Et aujourd'hui plus encore. Assourdis par le réalisme-cynisme ambiant, guerres économiques, fraudes fiscales, écart abyssal entre riches et pauvres, nous avons le culte du mot qui grince. Rejetant, par crainte de maniérisme, l'effet de contraste qui permettrait de parler avec légèreté de problèmes graves, on noircit le trait souvent au maximum du ridicule. Il suffit de voir au cinéma. La fiction est devenue fiction-documentaire. Dans une scène de crime, systématiquement, on nous offre à contempler les dégâts biologiques que commet une balle de révolver et si le réalisateur pouvait pousser l'hyper-réalisme en plaçant sa caméra dans le trou de la plaie, ce n'en serait que plus jouissif ! Comment pourrait-on alors entendre encore la voix de Giraudoux ? Les variations d'Isabelle et du Spectre, tout en jeu de cache-cache sur le thème de la mort, ne sont plus que le faible écho d'une musique lointaine. Ces personnages manquent cruellement aujourd'hui, ils nous seraient d'un grand apport en oxygène. Car ils ont la grâce, même quand ils sont sots ou dangereux, de glisser sur la glace alors que le fond de l'air qu'ils respirent est froid et tragique.
Guthrie- .
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Ecrite en 1942-43, La Folle de Chaillot a beau espérer l’armistice, elle annonce déjà une autre guerre : se battre contre la violence d’un capitalisme déchaîné par le dernier conflit, écrasant au nom du profit toute préoccupation de justice sociale et de dignité humaine. Soixante-dix ans plus tard, alors que le tout-libéral mondialisé s’avère chaque jour plus assassin, comment ne pas admirer la sagacité prophétique de l'auteur et ne pas s’étonner, sous ses dehors fantaisistes, de l’incroyable actualité de la pièce. Face au renoncement mou ambiant, il n’y a vraiment, selon Giraudoux, qu’une femme pour refuser encore l’inacceptable, pour secouer nos consciences endormies et raviver notre faim de liberté ; qu'elles s'appellent Judith, Electre, Isabelle, Ondine ou Aurélie. Aurélie la folle, qui part en guerre pour sauver le monde de sa propre barbarie, avec pour toute arme l’extravagance, la poésie et l’amour des petites gens.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le sujet, donc, tourne autour de ce que Giraudoux appelle l'invasion des mecs. Ces mecs ce sont les gens de la haute finance appuyés par quelques aventuriers du monde de la technique, de l'industrie, qui ont la complicité de certains politiques. Leur but ? S'enrichir avec un gisement de pétrole qu'ils croient repérer dans Paris même, sous la colline de Chaillot, et pour extraire ce pétrole tous les crimes sont permis : attentat, chantage, tentative de destruction du quartier et de son encombrante population. C'est à la tête de ce petit peuple, entre autres composé par le chiffonnier, le garçon de café, la plongeuse, le sourd-muet, l'égoutier, la fleuriste, qu'Aurélie, vieille bohème old-fashioned, surnommée avec beaucoup de déférence comtesse ou Madame la folle de Chaillot, va se jurer de sauver le quartier en menant contre les comploteurs en noir une bataille sans merci !
Guthrie- .
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
En vrac, quelques divagations pas si folles de la Folle :
« Je vais surveiller où en sont le mauvaises gens de Chaillot. Ceux qui plissent les lèvres, ceux qui donnent à la dérobée des coups de pied dans les maisons, les ennemis des arbres, les ennemis des animaux. Je les vois qui entrent, pour donner le change, à l'établissement de bains, chez l'orthopédiste, le coiffeur. Mais ils en sortent sales, boiteux, avec de fausses barbes. En fait ils hésitent sur les moyens de tuer le platane du musée Galliera ou de jeter une boule empoisonnée au chien du boucher de la rue Bizet. Je cite ces deux protégés-là, je les ai vus tout petits. Pour que ces bandits perdent tout pouvoir, il faut que je passe à leur hauteur, par la gauche. C'est dur, le crime marche vite, mais j'ai l'enjambée large. »
« Tous ces hommes qui partout se donnent des airs de constructeurs sont voués secrètement à la destruction. Leur édifice le plus neuf n'est que le mannequin d'une ruine. Voyez nos conseillers municipaux et leurs entrepreneurs. Tout ce qu'ils bâtissent comme maçons, ils le détruisent comme francs-maçons. Ils bâtissent des quais en détruisant les rives, voyez la Seine, des villes en détruisant la campagne, voyez le Pré-aux-Clercs, le Palais de Chaillot en détruisant le Trocadéro. Ils disent qu'ils ravalent une maison, pas du tout, je les ai observés de près. Avec leurs racloirs et leurs grattoirs, ils l'usent au moins de plusieurs millimètres. Ils usent l'espace et le ciel avec leurs lunettes d'approche, et le temps avec leurs montres. L'occupation de l'humanité n'est qu'une entreprise universelle de démolition. Je parle de l'humanité mâle. »
« Les hommes sont tout simplement en train de se changer en animaux avides. Ils n'ont plus la force de dissimuler. Autrefois celui qui avait le plus faim était celui qui retardait le plus d'attaquer son potage. Maintenant ils entrent au restaurant avec des gestes d'ogres. Chez le boucher, on dirait des carnivores. Chez le crémier, ils sont prêts à téter. Chez le maraîcher, on dirait des lapins. Ils se changeraient en bêtes peu à peu qu'il n'en serait pas autrement. Autrefois ils vous prenaient la main avec déférence, maintenant regardez-les, ils donnent la patte. »
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« Les hommes sont tout simplement en train de se changer en animaux avides. Ils n'ont plus la force de dissimuler. Autrefois celui qui avait le plus faim était celui qui retardait le plus d'attaquer son potage. Maintenant ils entrent au restaurant avec des gestes d'ogres. Chez le boucher, on dirait des carnivores. Chez le crémier, ils sont prêts à téter. Chez le maraîcher, on dirait des lapins. Ils se changeraient en bêtes peu à peu qu'il n'en serait pas autrement. Autrefois ils vous prenaient la main avec déférence, maintenant regardez-les, ils donnent la patte. »
Guthrie- .
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Cher Guthrie, j'avais écrit hier une longue épître mélancolqiue et motivée. A moment de la poster, quand j'ai appuyé sur le bouton "envoyer", tout a disparu.
Je vous écrirai plus tard. Mon fils et son fils, mon petit-fils Iwann-le-merveilleux, viennent et je les attends. Vous comprendrez que j'aie des priorités. Mais je rédondrai, c'est certain.
Je vous écrirai plus tard. Mon fils et son fils, mon petit-fils Iwann-le-merveilleux, viennent et je les attends. Vous comprendrez que j'aie des priorités. Mais je rédondrai, c'est certain.
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Prenez votre temps, Hérodote.
Mais pas trop !
J'attends avec impatience de vous lire.
A bientôt, mon ami.
Bonne journée à vous et à tous les vôtres.
Mais pas trop !
J'attends avec impatience de vous lire.
A bientôt, mon ami.
Bonne journée à vous et à tous les vôtres.
Guthrie- .
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Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Je vais ré-essayer de faire quelque chose de lisible à partir du croisement entre Aurélie et Iwann, mon unique petit-fils (parmi des tas de petites-filles) qui vient de me quitter, avec Jean-Dominique pour le Louvre où son père le traine sans arrêt. Rassurez-vous, il est toujours consentant.
Je suis en meilleur état pour aborder le sujet de "La Folle de Chaillot" qu'hier. Cet enfant, mâle, donc futur destructeur, n'est pas dans la lignée des hommes giralduciens. Il a du mal à ne pas aimer, même si cela s'exprime discrètement. Aurélie est dans le juste quand elle se carre dans la folie. Non point la folie médicalement assistée, non, mais la folie médiévale qui faisaient processionner les chanoines dans leur cathédrale, un hareng saur accroché à une ficellle aux fesses et chacun tentant de marcher sur le hareng saur de son voisin de devant. Cette folie-là n'existe plus. Dommage. Elle est remplacéée par la vision visonnaire d'Aurélie pour qui le remplacement du Palais de Chaillot cèdera place aux derricks et où triompheront comme toujours les ennemis du prolétariat. Il y a du marxisme dans la pensée de Giraudoux, même si, signe des temps, il écorne au passage les francs-maçons (on est en plein Vichy et les communistes d'alors ne nous ménageaient pas). C'est le signe d'un bourgeoisisme replet que rien n'apaise que son propre appétit des autres. De ce fait, la dernière image que vous citez, Guthrie, est hurlante de vérité dans sa comparaison avec les animaux domestiques. "Ils tendent la patte". Eh oui, ils la tendent ! Et de plus en plus, les fameuses classes moyennes, regressant dans un sous-prolétariat grinçant après tout, en maudissant la destruction dont elles sont l'artisan. J'avais lu votre post avant de revoir Iwann, le si joli petit garçon, comme je le vois (heureusement) assez souvent. Sa présence lunineuse faisait échec aux propos d'Aurélie, transitant par vous. Rien n'est perdu puisqu'il y a des Iwann qui préfèrent au foot avec les copains (qu'il rejoindra plus tard) les peintures de Fragonard ou de Watteau. Il y est en ce moment même, ses beaux yeux fous d'amour pour toutes les créatures, fous de cette Folie qui n'est ni Bergères ni midinettes, mais qui est ancrée profondément en nous, comme en Aurélie, comme en tous les Fous qui, ainsi que nous , Guthrie, tentent d'écrabouiller les harengs saurs qui nous précèdent dans cette procession lugubre que serait la vie sans cela. Va, mon Iwann chéri, va avec Aurélie te battre contre les "mecs" de la finance et de la hauteur sociale. Ca donne quoi, leur truc: le million sept cent mille morts de la Boucherie de la Grande Guerre -11 novembre-, rien que pour notre sol, dont ton papa a si bien recensé la splendeur dans son dernier livre ! Va quand tu auras non plus ton épiderme doux comme satin d'enfant mais les mains calleuses d'avoir été trop longtemps apprenti, lutter contre ces bourreaux bienfaisants (la bienfaisance, méfie-t-en, mon petit bonhomme!) qui te feront mille promesses incandescentes mais dont tu t'apercevras vite qu'elles ont l'acre saveur des cendres.. Je choisis Iwann contre les ricaneurs d'Aurélie. Pas vous ?
Je suis en meilleur état pour aborder le sujet de "La Folle de Chaillot" qu'hier. Cet enfant, mâle, donc futur destructeur, n'est pas dans la lignée des hommes giralduciens. Il a du mal à ne pas aimer, même si cela s'exprime discrètement. Aurélie est dans le juste quand elle se carre dans la folie. Non point la folie médicalement assistée, non, mais la folie médiévale qui faisaient processionner les chanoines dans leur cathédrale, un hareng saur accroché à une ficellle aux fesses et chacun tentant de marcher sur le hareng saur de son voisin de devant. Cette folie-là n'existe plus. Dommage. Elle est remplacéée par la vision visonnaire d'Aurélie pour qui le remplacement du Palais de Chaillot cèdera place aux derricks et où triompheront comme toujours les ennemis du prolétariat. Il y a du marxisme dans la pensée de Giraudoux, même si, signe des temps, il écorne au passage les francs-maçons (on est en plein Vichy et les communistes d'alors ne nous ménageaient pas). C'est le signe d'un bourgeoisisme replet que rien n'apaise que son propre appétit des autres. De ce fait, la dernière image que vous citez, Guthrie, est hurlante de vérité dans sa comparaison avec les animaux domestiques. "Ils tendent la patte". Eh oui, ils la tendent ! Et de plus en plus, les fameuses classes moyennes, regressant dans un sous-prolétariat grinçant après tout, en maudissant la destruction dont elles sont l'artisan. J'avais lu votre post avant de revoir Iwann, le si joli petit garçon, comme je le vois (heureusement) assez souvent. Sa présence lunineuse faisait échec aux propos d'Aurélie, transitant par vous. Rien n'est perdu puisqu'il y a des Iwann qui préfèrent au foot avec les copains (qu'il rejoindra plus tard) les peintures de Fragonard ou de Watteau. Il y est en ce moment même, ses beaux yeux fous d'amour pour toutes les créatures, fous de cette Folie qui n'est ni Bergères ni midinettes, mais qui est ancrée profondément en nous, comme en Aurélie, comme en tous les Fous qui, ainsi que nous , Guthrie, tentent d'écrabouiller les harengs saurs qui nous précèdent dans cette procession lugubre que serait la vie sans cela. Va, mon Iwann chéri, va avec Aurélie te battre contre les "mecs" de la finance et de la hauteur sociale. Ca donne quoi, leur truc: le million sept cent mille morts de la Boucherie de la Grande Guerre -11 novembre-, rien que pour notre sol, dont ton papa a si bien recensé la splendeur dans son dernier livre ! Va quand tu auras non plus ton épiderme doux comme satin d'enfant mais les mains calleuses d'avoir été trop longtemps apprenti, lutter contre ces bourreaux bienfaisants (la bienfaisance, méfie-t-en, mon petit bonhomme!) qui te feront mille promesses incandescentes mais dont tu t'apercevras vite qu'elles ont l'acre saveur des cendres.. Je choisis Iwann contre les ricaneurs d'Aurélie. Pas vous ?
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Voici qui n'est plus de mon fait. C'est le Forum qui foire !" Usque tandem, Catilina, abuteris patientia nostra ?"(Cicéron). Pour voir si ça passe mieux en latin. Mais il faut se livrer à des sinuasités tirebouchonnantes pour parvenir ici ? Et moi qui attends une répnose de Guthrie ou de quelqu'autre participant, au jeu de la Folie de Chaillot !
Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Par bonheur, votre lecture est celle de l'homme objectif qui se refuse à répondre à la légère. Je craignais un peu, je l'avoue, le coup de griffe sur la franc-maçonnerie : quel effet aura-t-il ? Comme vous avez pris soin de le préciser, il faut replonger dans le contexte. Certainement, en plus de l'aspect prophétique, cette Folle de Chaillot sous le manteau de la fable nous communique l'angoisse de l'Occupation. Elle raconte aussi l'entre-deux-guerres. Une période qui a vu kyrielle de scandales financiers – effet miroir sur notre crise de 2008 –, entre autres la fameuse affaire Stavisky, micmac politico-financier qui lèvera le voile sur un régime composé essentiellement d'affairistes véreux, entrainant la chute du gouvernement Chautemps et les émeutes antiparlementaires de février 34. En un mot c'est l'heure, comme aujourd'hui, où l'on cherche des coupables à la crise. Et la franc-maçonnerie va les désigner en pointant les 200 familles – peut-être je me goure en disant que la FM est à l'origine du slogan des 200 familles, j'ai pour seule et maigre source une note Wikipédia mentionnant un certain Albert Vigneau, franc-maçon, auteur en 1937 d'un essai sur la question. Mais que la FM ait soufflé ou non le slogan à l'oreille de Daladier, le capitalisme est dans le collimateur. Ecoutons d'ailleurs le Président du Conseil :
Deux cents familles sont maîtresses de l'économie française et, en fait, de la politique française. Ce sont des forces qu'un État démocratique ne devrait pas tolérer, que Richelieu n'eût pas tolérées dans le royaume de France. L'influence des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent au pouvoir leurs délégués. Elles interviennent sur l'opinion publique, car elles contrôlent la presse.
Eh oui ! Nous vivons dans un magnifique pays où, de Rothschild à Bettencourt, de Stavisky à Tapie, les mêmes occupent toujours les mêmes places et font entendre leur voix même quand ils n'ont rien à dire ; une France belle et digne du vide qui la gouverne. Alors Hérodote, que votre petit Iwann, se rendant compte après nous que les époques se suivent et se ressemblent, puisse sans intellectualisme trouver chaleur et lumière auprès des vraies belles choses, livres, musique, cinéma, théâtre, l'art en général, c'est le signe que, même couverte par le grognement des animaux avides, une légère pulsation se fait encore entendre. Celle de l'espérance ? Peut-être. Celle de notre sauvegarde, sûrement.
Deux cents familles sont maîtresses de l'économie française et, en fait, de la politique française. Ce sont des forces qu'un État démocratique ne devrait pas tolérer, que Richelieu n'eût pas tolérées dans le royaume de France. L'influence des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent au pouvoir leurs délégués. Elles interviennent sur l'opinion publique, car elles contrôlent la presse.
Eh oui ! Nous vivons dans un magnifique pays où, de Rothschild à Bettencourt, de Stavisky à Tapie, les mêmes occupent toujours les mêmes places et font entendre leur voix même quand ils n'ont rien à dire ; une France belle et digne du vide qui la gouverne. Alors Hérodote, que votre petit Iwann, se rendant compte après nous que les époques se suivent et se ressemblent, puisse sans intellectualisme trouver chaleur et lumière auprès des vraies belles choses, livres, musique, cinéma, théâtre, l'art en général, c'est le signe que, même couverte par le grognement des animaux avides, une légère pulsation se fait encore entendre. Celle de l'espérance ? Peut-être. Celle de notre sauvegarde, sûrement.
Guthrie- .
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Re: Giraudoux ou l'ironie souriante
Les "De Wendel" que Jean Giraudoux a connus existent encore. Il a même été question, il y a quelques années, d'en "élire" un à la tête du patronat. Ils existent toujours, quelle soit le père de leur dénomination, Edouard Daladier, Agrégé de Lettres, qui, en tant que Radical de l'époque, les connaissait nommément. Il savait qu'ils avaient trempé sous la houlette des "Croix de Feu" (ça ne vous dit rien d'actuel?) ou du PSF avec un hexagone tricolore jusqu'à la doublure du bêret (je l'ai vu de mes yeux de huit ans!),dans le 6 Février 1934, hantise fantasmatique des successeurs actuellement vivants.
De quel côté serait Jean Giraudoux aujourd'hui ? Il est difficile de faire parler les morts. J'aime croire qu'il aurait touvé sa place en Maçonnerie et qu'il serait, comme dans son Berry natal (né à Bellac, est-ce encore le Berry), plutôt centriste-social. Il serait à l'Académie, (Marcel Achard y a bien été élu) et celà le droitiserait sans doute un peu. Il aurait ajouté à sa "Littérature" un essaii sur les "quarante" dont il ne voyait que les défauts, faute de voir Paul Claudel repoussé par eux.
Quant à Moreno, la "Folle de Chaillot", avez vous lu, cher Guthrie, ses "mémoires". Elle y a concouru avec Colette qui y a ajouté son espièglerie inimitable. Elles étaient bonnes amies (très bonnes amies, vous diront les langues, ni bonnes ni mauvaises, puisqu'il n'y a pas, du moins officiellement, à se cacher). Vous comprendrez à travers celle qui incarna la "Folle" Aurélie (et que vit peut-être Daladier) ce qu'éprouvait en 43-44 l'écrivain qui nous a lègué cette pièce étonnante. Elle déclamait pour elle, la Marguerite Moreno, pour non pas la Liberté majuscule qui est bizarrement trop restrictive à mon gré, mais les "libertés". Giraudoux, dont on ne relit pas assez ses essais, décrit très bien ses "essais de libertés" comme dans les chansons lestes (autrement lestes mais moins vulgaires qu'à présent) de la Rue d'Ulm dont il fréquenta l'Ecole.
Giraudoux, Giraudet. Nous avons, courageux, d'une témérité folle (elle aussi ) un presqu'homonyme qui a vu sa dernière tentative passer sous les crachats rentrés de certains ou sous les convoitises également "crachottières" d'autres. Il s'agissait de l'amour qu'on peut porter à quelqu'un dont c'est interdit légalement de parler. Giraudet n'est pas Giraudoux, hélas pour lui. Il aurait le prix Nobel comme Gide, serait sacralisé comme Trenet, ou honoré comme Montherlant. Pauvre Giraudoux qui n'a pas connu mais seulement pressenti notre temps de faux nez, de sacrifices des plus humbles mais qu'on gonfle d'orgueil pour qu'ils hurlent moins de douleur au profit des 200 familles qui transcendent nos frontières et qui moralisent leurs mauvais manières sociales en légiférant sur tous les problêmes de société qui les agacent comme morpions sur leurs couilles.
Que viendrait faire encore mon petit Iwann dans cette purée nauséabonde qui fait se trainer Aurélie avec sa "folle" nausée ? Je retiens votre conclusion si sage si éclatante, d'une petite chandelle de rien du tout, qui comme, par la maladresse d'Epiméthée, frère de Prométhée, resta, quand il eut renversé la boite de Pandore, son épouse, et qu'il ne resta au fond, timidement mais solidement accrochée, la seule Espérance.
Tenez, Guthrie , voici, en un autre envoi, le quatuor pour la fin du temps (DU Temps, j'ai bien dit) d'Olivier Messiaen. Restez. je vais le chercher pour, qu'en faisant péricliter le temps, nous ayons peut-être derrière lui, l'aurore d'une espérance.
De quel côté serait Jean Giraudoux aujourd'hui ? Il est difficile de faire parler les morts. J'aime croire qu'il aurait touvé sa place en Maçonnerie et qu'il serait, comme dans son Berry natal (né à Bellac, est-ce encore le Berry), plutôt centriste-social. Il serait à l'Académie, (Marcel Achard y a bien été élu) et celà le droitiserait sans doute un peu. Il aurait ajouté à sa "Littérature" un essaii sur les "quarante" dont il ne voyait que les défauts, faute de voir Paul Claudel repoussé par eux.
Quant à Moreno, la "Folle de Chaillot", avez vous lu, cher Guthrie, ses "mémoires". Elle y a concouru avec Colette qui y a ajouté son espièglerie inimitable. Elles étaient bonnes amies (très bonnes amies, vous diront les langues, ni bonnes ni mauvaises, puisqu'il n'y a pas, du moins officiellement, à se cacher). Vous comprendrez à travers celle qui incarna la "Folle" Aurélie (et que vit peut-être Daladier) ce qu'éprouvait en 43-44 l'écrivain qui nous a lègué cette pièce étonnante. Elle déclamait pour elle, la Marguerite Moreno, pour non pas la Liberté majuscule qui est bizarrement trop restrictive à mon gré, mais les "libertés". Giraudoux, dont on ne relit pas assez ses essais, décrit très bien ses "essais de libertés" comme dans les chansons lestes (autrement lestes mais moins vulgaires qu'à présent) de la Rue d'Ulm dont il fréquenta l'Ecole.
Giraudoux, Giraudet. Nous avons, courageux, d'une témérité folle (elle aussi ) un presqu'homonyme qui a vu sa dernière tentative passer sous les crachats rentrés de certains ou sous les convoitises également "crachottières" d'autres. Il s'agissait de l'amour qu'on peut porter à quelqu'un dont c'est interdit légalement de parler. Giraudet n'est pas Giraudoux, hélas pour lui. Il aurait le prix Nobel comme Gide, serait sacralisé comme Trenet, ou honoré comme Montherlant. Pauvre Giraudoux qui n'a pas connu mais seulement pressenti notre temps de faux nez, de sacrifices des plus humbles mais qu'on gonfle d'orgueil pour qu'ils hurlent moins de douleur au profit des 200 familles qui transcendent nos frontières et qui moralisent leurs mauvais manières sociales en légiférant sur tous les problêmes de société qui les agacent comme morpions sur leurs couilles.
Que viendrait faire encore mon petit Iwann dans cette purée nauséabonde qui fait se trainer Aurélie avec sa "folle" nausée ? Je retiens votre conclusion si sage si éclatante, d'une petite chandelle de rien du tout, qui comme, par la maladresse d'Epiméthée, frère de Prométhée, resta, quand il eut renversé la boite de Pandore, son épouse, et qu'il ne resta au fond, timidement mais solidement accrochée, la seule Espérance.
Tenez, Guthrie , voici, en un autre envoi, le quatuor pour la fin du temps (DU Temps, j'ai bien dit) d'Olivier Messiaen. Restez. je vais le chercher pour, qu'en faisant péricliter le temps, nous ayons peut-être derrière lui, l'aurore d'une espérance.
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