Qu'est-ce que vous écoutez en ce moment ?

Le morceau "Rooks" du groupe Shearwater m'a embarqué dès l'intro avec cette progression en arpèges. Le refrain avec la trompette en fond est bienvenu. Et le chanteur a une magnifique voix de tête. On passe par plein de paysages. La simplicité n'est ici qu'apparence. Bon, du coup, Garlic, puisque tu réclamais la dernière fois des groupes moins lisses, j'ai trouvé ce trio qui joue sur plusieurs ambiances. 

Hahaha ! Cela a fait tout de suite image dans ma tête ! Avec le gros malabar poilu déguisé en femme ! Pourtant, Perez Prado, ça déménageait pas mal à son époque. Le morceau que je préfère, c'est celui-ci, où les cuivres sont hal-lu-ci-nants ! Ils ont dû prendre de la coke avant d'enregistrer, c'est pas possible, pour faire des traits aussi tordus et difficiles à exécuter. Puis ce qu'il y a toujours de rigolo chez Perez Prado, c'est le mec qui fait le "Heuuu" à la voix soit par-dessus, soit pour ponctuer un passage.

Claude, tu nous a mis un morceau d'anthologie !!! En plus le youtubeur a laissé plus de 5 minutes de silence après le morceau comme pour paraphraser Guitry : "Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Thelenious Monk, le silence qui lui succède est encore de lui." Hormis que Guitry disait ça de Mozart. Pas étonnant, du coup, que tu es enchaîné sur Amadeus le maçon. Bon, pour répondre à Monk, je propose le dernier morceau de l'album Takin' Off de Herbie Hancock, sans doute son meilleur disque en jazz pur.

Bon, une fois n'est pas coutume, je réponds par un Français. Pour le côté néo-classique qui va bien avec Telemann. Pour la partie solo de trompette qui va bien avec Maurice André. Et parce que la moindre note, le moindre mot qu'on entend est écrit par la main de l'artiste : ce qui fait de Sheller un symphoman assez inclassable dans la chanson française.

Merci, Garlic, pour Telemann et pour ton écoute.

Toujours en respectant ton souhait d'écouter des groupes "moins lisses", je suis tombé encore sur un trio qui mélange plusieurs ambiances. Le batteur est survitaminé ! Seul petit bémol, de 2:02 à 3:22, le fait qu'il nous fasse entendre son break complexe en boucle a tendance à rendre le passage longuet. Dommage. Il aurait peut-être dû ouvrir son jeu de batterie à ce moment, le rendre plus aléatoire. Hormis ce détail, le groupe sonne pas mal du tout !

Merci du lien et de la découverte, Garlic. Connaissais pas les thomises. En effet, elles sont très malignes les coquines. Me rappelle que j'avais posté un truc sur les araignées-paon. Elles ont de magnifiques couleurs et font une parade nuptiale assez marrante. 

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Après les araignées : la chenille chantée par un monsieur qui a une araignée sur le crâne.

Pas vraiment une chanson.

Une impression fugitive.

Une impression qu'on peut ressentir lorsqu'on se réveille en sursaut un dimanche en pleine nuit.

Beaucoup de vide.

Beaucoup de froid.

J'aime le froid.

Le froid rend ma tête moins échauffée de vivre cette vie d'esclave.

Ridicule ?

Oui.

Comme le fait de venir ici en pleine nuit poster une vidéo youtube.

Et de gâcher par des mots le baume que je ressens en écoutant cette voix.

Aussi je vais me la fermer.

Y a pas tortiller.

La musique est et restera toujours plus forte que les discours.

Bonne fin de nuit.

Merci encore une fois, Garlic, pour ton rapport d'écoute. Oui, t'as raison, il y a  quelque chose de monacal dans cette chansonnette. Et j'avais vraiment besoin de ce genre d'ambiance dimanche soir. J'avais fait un rêve dans lequel je me débattais contre deux hannetons géants qui, pour m’échapper, devinrent en fin de compte mes deux pieds. C’était vachement gênant. Ils rongeaient le gazon et rien de plus difficile que d’avancer avec des pieds qui broutent. Puis, ils se changèrent en mille-pattes, et alors, tout alla bien, trop bien. C'est alors que je me suis réveillé en sursaut, transi de froid, et le premier réflexe qui m'est venu : regarder sur le net la signification du mille-pattes dans un dico d'interprétation des rêves. Et j'ai trouvé ça : « Rêver d'un mille-pattes symbolise la multitude de pensées et de doutes qui envahissent votre esprit concernant un problème en particulier. » 

Vu que je ressentais un grand vide, j'ai mis du temps à trouver le problème qui me pesait. Puis j'ai repensé à tous ces posts que je balance sur le forum dans lesquels, en gros, je rejoue toujours un peu le même disque : c'est-à-dire, quel que soit le siècle, c'est toujours les mêmes qui gagnent et les mêmes qui perdent, blablabla. Alors j'ai cherché une musique pour m'apaiser. Sans trop d'inspiration, vu qu'on était dimanche soir, j'ai tapé sunday night sur youtube. Le hasard a fait le reste.

À présent, après la grande messe continue qu'on a vue et entendue aujourd'hui sur tous les réseaux de presse, voici mon hommage à Johnny.

D'abord, des extraits d'un show tv unplugged de 1968 où l'on voit que la réputation de "bête de scène" de Johnny n'était pas surfaite. Même assis sur une chaise, il "allume le feu" comme il aurait dit. Tous les pores de sa peau respirent la musique. Avec, en prime, un sens de l'autodérision qui est la marque du talent des plus nobles.

Là, c'est un enregistrement de Johnny de 1957. Et vu que la technique de l'époque en était encore à l'enregistrement monophonique, cela n'enlève pourtant rien à la qualité de l'interprétation, à la pêche des musiciens qui l'entourent.

Et là, au-dessous, c'est un certain Elvis qui a tout pompé à Johnny – vous remarquerez, il s'est même approprié le gimmick vocal du morceau précédent. L'enregistrement date de 1962, on est donc passé à la stéréophonie. Et malgré cet atout supplémentaire, ça rock et ça twiste vraiment comme une biscotte.

Si t'as vibré, c'est le plus beau des retours.

Merci à toi, patos.

J'ai écouté ton lien.

Et effectivement, on est sur la même longueur d'onde.

Cette approche blues planant, à la Pink Floyd, cela me fait décoller direct.

Je ne sais pas qui est l'auteur de ces démos mais les effets qu'il utilise sont de toute beauté.

Si t'aimes ces ambiances, quand j'aurai fini la vidéo pour Garlic, j'ai un truc pile dans le genre, un groupe qui devrait te plaire. J'en ferai une vidéo car ce sont trois morceaux qui s'enchaînent et ça casse le truc si on les écoute séparés. 

Merci encore à toi.

Bon réveil et bonne journée.

Ben voilà, patos. Le billet de votre frangin 357 tape dans le mille. Johnny ne se contentait pas de vampiriser le style musical, la gestuelle, les acrobaties scéniques ou les gimmicks vocaux d'Elvis ; avec le concours de sa production, de Salut les Copains, d'Europe 1, bref de la majorité des médias français, il décalquait également la vie (romancée ou non) d'Elvis. Par exemple, quand Elvis revient de son service militaire en 1960, il sort l'album Elvis is back !. Johnny et son équipe, en 1964, décident de faire l'inverse. Ils sortent un album intitulé Johnny, reviens ! Les Rocks les plus Terribles (composé intégralement d'adaptations françaises de tubes rock'n'roll US signés Chuck Berry, Little Richard et compagnie), puis, il part faire son service militaire, c'est pourquoi le « Johnny, reviens ! », genre « Reviens-nous vite, tu nous manques déjà ! » 

L'armée, au passage, en profite pour faire des films de propagande avec lui afin de susciter auprès des jeunes l'envie de devenir soldats – ouais, c'est tout un jeu de miroirs, en somme, Johnny veut tout faire comme Elvis, et les jeunes français veulent tout faire comme Johnny –, propagande à laquelle il se prête donnant-donnant : en clair, au lieu de lui faire faire les corvées rituelles, comme éplucher les patates ou se farcir au pas de course le parcours du combattant, l'armée l'autorise à continuer à enregistrer des disques à condition qu'il porte l'uniforme sur les pochettes. Le bidonnage, quoi. Encore. Et voilà près de 60 ans qu'on se farcit ce produit en contreplaqué élaboré de A à Z par les médias et le show-biz français ! Beaucoup d'effets de manche, beaucoup d'effets spéciaux (pyrotechniques, laser, pompes à fumée, entrée en Harley sur scène, etc), mais peu de matière. Beaucoup de sauce mais peu de viande. Une sauce qu'on vous fait payer un prix fou, et le mec se casse en Suisse ou aux US pour échapper au fisc. A la Aznavour, quoi. Pas étonnant qu'ils aient bossé ensemble. Mais je n'ai rien contre Aznavour. Le tandem Aznavour-Garvarentz a donné de très jolies choses. Des choses populaires de grande qualité. 

Mais comment les jeunes de l'époque ont pu préférer la copie à l'original ? Je sais pas. Bon, déjà, les mômes, avant l'arrivée de Johnny, ils se frappaient quoi comme artistes à la radio ou à la télé ? Dalida, Gloria Lasso, Bourvil, Joséphine Baker (Joséphine Baker, entre parenthèses, qui était un peu la Madonna de l'époque ; Madonna, si vous regardez bien, c'est Baker sans la ceinture de bananes). Donc, ok, on peut comprendre que les jeunes se soient plus identifiés à Johnny qu'à Bourvil ou même Trenet (malgré le génie de Trenet et l'influence qu'il a eue sur les Aznavour, Ferré et consorts). Mais les radios, j'imagine, et les disquaires, ont dû leur faire écouter également à ces jeunes du Elvis puisqu'il a commencé sa carrière en 53 – Johnny en 60. Pourquoi les jeunes ne se sont pas rués sur les disques d'Elvis de 53 à 60, et ne se sont pas mis à rire en voyant après ça débarquer la pâle copie ? Même si ce que dit 357 est juste, à savoir la très grande méfiance et l'hostilité de De Gaulle envers les Ricains car ils sont quand même venus nous délivrer de l'occupation nazie pour y substituer une occupation culturelle et économique – d'ailleurs, je rappelle que ce sont les banques américaines qui ont financé Hitler pour qu'il puisse forger son armada militaire et envahir une partie de l'Europe (non non, Anne Selene, ce n'est pas ma complotite paranoïde à nouveau qui me gratouille) –, on peut en déduire, comme 357, que la gouvernance française ait voulu avoir son Elvis à elle... mais dans un autre pays, ça n'aurait jamais marché. Essayez d'imposer un faux Elvis en Angleterre, Écosse, Irlande, Pologne, ou même en Allemagne, et vous verrez le résultat. Les gens sentiront tout de suite que ça sonne faux, que c'est forcé, que c'est un fake. Vous n'aurez à l'arrivée rien d'autre qu'un grand oubli national. Pourquoi ? Ces pays-là ont une sensibilité musicale à fleur de peau qui s'est transmise de génération en génération par les gênes. La musique, pour eux, c'est pas seulement sacré, c'est organique, ils la ressentent, la vivent, ils la respirent par un sens que nous, peuple français, n'avons pas développé. 

Pourtant nous sommes comme les autres. Qu'était la France des siècles durant ? Par quoi elle était composée ? Par 90 % de paysans. Et qu'étaient les cow-boys ? Des paysans aussi. Qu'étaient les noirs américains ? Des esclaves. Alors, pourquoi notre peuple n'a pas développé ses sens ? Je sais pas. On dirait qu'en France, la musique n'est pas une entité que l'on respecte. Comparez le folklore irlandais (qui s'approche de la musique classique) au folklore provençal (qui s'approche de "Allez viens boire un p'tit coup à la maison, y a du blanc, y a du rouge, du saucisson..."). Qu'est-ce que vous voulez que ça donne, ça, sur le plan atavique ? Qu'est-ce que vous voulez que ça donne sur le développement de nos sens ? Et puis ça passe aussi par l'éducation. La musique chez nous, à l'école, c'est (ou c'était) la flûte à bec et "De bon matin, j'ai rencontré le train... lalalère". On dit aussi que la télé, au temps de l'ORTF, tenait un rôle éducatif dans le même esprit que Jean Vilar et son théâtre d'Avignon. C'est vrai. Il y avait beaucoup de théâtre filmé, mis en scène pour le petit écran, et joué par les plus grands, ceux de la Comédie française. Perso, je n'ai pas connu ce temps-là, mais je me souviens, dans les années 80, que FR3 rediffusaient des pièces de Molière jouées par Jean Piat, Geneviène Casile, Jacques Charron, Robert Hirsch. Quel comédien c'était ce Robert Hirsch, d'ailleurs ! Il était capable de tout, danser, chanter, jouer Tartuffe comme un insecte malveillant ou faire le pitre dans une pièce de boulevard, un sketch, ou une facétie combinée avec son pote Charron. Malheureusement, on ne trouve que les facéties sur le net. Pas le Tartuffe en couleur qui avait fait découvrir Molière à la génération que j'appartiens. Je vous mets quand même les deux facéties que j'ai trouvées, étant donné qu'il y en a une musicale, on reste dans le thème du fil. Dans la première vidéo, Robert Hirsch joue celui qui entre en scène, et Jacques Charron, à droite, le metteur en scène.

Eh ben, il est mort le 16 novembre dernier Robert Hirsch. Vous avez entendu quelque chose, vous ? On en a parlé à la télé ? Vous avez vu ne serait-ce qu'un petit reportage ? Les politiques ont rendu une pluie d'hommages ? La presse écrite en a-t-elle fait des tonnes ? Non. Rien. On n'a rien entendu. Je n'ai entendu qu'un hommage assez minable à la radio écrit par François Morel (acteur, pourtant, que j'aime bien). Le silence. On a entendu le silence. Pourquoi ? Bien sûr parce que Robert Hirsch, pour les médias et les commerçants, c'est pas bankable. Mais encore et toujours parce que nous, peuple français, nous n'avons pas le sens de l'écoute, du ressentir, le sens de faire corps avec la musique. Et Robert Hirsch était musique. La parole, au théâtre, est musique. Comme un texte ou un film l'est aussi. Dramaturges, cinéastes, poètes, romanciers, tout ça, ce sont des rythmiciens. Yves Bonnefoy, immense poète et excellent traducteur, est mort l'année dernière lui aussi, au début de l'été. Vous avez entendu quelque chose ? Rien. Mais on rend hommage en grande pompe à Jean d'Ormesson, qui, depuis son château, dans sa douillette oisiveté d'aristocrate, se faisait tellement chier qu'il a gribouillé des choses pendant des années. Eh bien, lui, en plus d'avoir dirigé Le Figaro, d'avoir été élu le plus jeune académicien à 48 ans, il a été l'un des rares écrivains (en 2015) dont l'intégrale des œuvres a été publiée dans la prestigieuse collection La Pléiade de son vivant ; collection, par ailleurs, insupportable à cause de son papier bible qui est une plaie pour les yeux. Ceux qui en possèdent chez eux devraient normalement me rejoindre, les livres de cette collection, qui coûtent la peau des fesses, sont il-li-si-bles ! Bref. Que fout d'Ormesson dans La Pléiade ? On sait pas. Parce qu'il était de sang noble et avait l'oreille de tous les dirigeants français ? Tout ce que je sais, c'est que Jean d'Ormesson était à la littérature ce que Johnny était au rock.                  

Heureux de t'avoir procuré plaisir, chère Garlic.

Oui, je suis d'accord avec toi.

Inimitable, le copain Elvis.

C'est pourquoi il est ridicule de s'obstiner.

Quant à la carte que t'as postée, j'ai pas capté car y a pas la légende des couleurs.

Ou alors j'suis passé à côté de la finesse du truc ?

Cela ne m'étonnerait pas, tiens.

Je ne comprends plus rien à ce qui se passe en ce moment.

(mes sincères excuses aux courageux qui sont allés jusqu'au bout de ce post beaucoup trop bavard)