Du Livre à la Partition

Le livre. On ne compte plus les histoires, contenues dans ce petit support, qui ont servi de base à la naissance d'une musique. De Lully à Boulez, en passant par la chanson ou la musique de film - puisque 90% des films partent d'un bouquin. Ici, nous vous invitons à jouer à faire le pont entre les deux, en précisant le livre (et son auteur en titre de message) dont le compositeur (ou le chansonnier) s'est servi comme canevas.

Poème du peintre et poète William Blake, The Lamb, tiré du recueil Songs of Innocence, inspira en 1982 à John Tavener cette pièce pour chœur mixte. Reposant sur une harmonie tonale, avec ci et là quelques dissonances bien senties, Tavener touche au sublime par la douce naïveté qu'il parvient à nous communiquer dès les premières notes. Et quand les basses, au refrain, rejoignent les voix de femmes, l'effet beautiful est garanti !

Bref, de ces beautés simples qui nous donneraient presque la foi en un dieu quelconque, celui que vous voudrez : amen.

C'est en lisant La Vie des abeilles qu'Igor Stravinsky aurait eu l'idée de ce mouvement symphonique ; je dis aurait car il s'en est plus ou moins déjugé par la suite. Pourtant, dès les premières mesures, les traits rapides des cordes nous évoquent très précisément le bruissement d'un essaim à la recherche de quelques boutons de fleurs à picorer. Il baptisera sa pièce Scherzo fantastique. Et la féérie est bien au rendez-vous.

Orwell donna un jour son interprétation de la théorie nazie : « Si leur leader dit que deux et deux font cinq, eh bien, deux et deux font cinq. Cette perspective m'effraie bien plus que les bombes. » Il reprendra l’idée dans son célèbre roman 1984 où cette formule est opposée au truisme 2+2=4. Le héros, Winston Smith, considérant que l’Etat a le pouvoir d’asséner 2+2=5 comme formule exacte, se demande en voyant que les gens finissent par y croire si cela en fait pour autant une vérité.
C’est avec ce passage en tête que Thom Yorke, leader du groupe Radiohead, écrit sa chanson 2+2=5 en dressant le constat implacable qu’un doux conditionnement coercitif nous condamne dès la naissance à une vie d’esclave.

Bref, vous avez compris, dans la chanson qui suit, 2+2= ni 4 ni 5... 2+2=1984.

Charles Koechlin, compositeur français tombé dans l'oubli, sous le charme du Livre de la Jungle, composa toute une série de poèmes symphoniques à partir de cette œuvre. Bon, monumental par l'ambition, le résultat est trop décousu ; en gros il y a à boire et à manger. Le deuxième volet, La Course de Printemps, est à mon sens le plus réussi. On retrouve l'atmosphère envoûtante propre à la forme narrative du poème symphonique. Et hormis le passage La Course, de 7.50 à 10.30, pompier à souhait, qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, Koechlin réussit le pari de nous plonger dans une jungle enchanteresse ; et rien que pour ça, chapeau l'artiste !

Merci à toi, Ijja, tu me vois comblé.
Si on peut servir à quelque chose sur le net, c'est pas plus mal !
Pour info, si jamais un jour tu voudrais pousser plus loin dans ce registre, John Tavener fait partie du courant minimaliste liturgique, hyper mystique, de même que Henryk Górecki et - le plus connu des trois - Arvo Pärt.
Je posterai d'autres trucs dans le même genre, si ça te plaît.

Réuni en dix recueils, le Rig-Veda recense des hymnes sacrés de tradition orale de l'Inde antique, composés en sanskrit védique. Vu la langue très archaïque, qui pose difficulté pour la datation, on situerait leur rédaction entre 1500 et 900 av. J-C. C'est en tout cas l'un des plus anciens documents en langue indo-européenne. Le compositeur anglais Gustav Holst trouvera là-dedans son bonheur et écrira une très jolie suite de chants pour voix féminines et harpe.

ps : le volume du seul enregistrement potable que j'ai pu trouver est très très très bas. Pour vous dire, mon ordi sort sur ampli, je suis obligé de le mettre à 25 pour avoir un son acceptable. Donc, si vous voulez entendre quelque chose, poussez le potard à fond !!!

(Tant mieux ! C'est cool, Sylvie !)

Nous sommes en 1978. Le premier disque du groupe The Cure, Killing an arab, titre malicieusement provocant, retrace la scène de meurtre dans L'Etranger. On entend d'ailleurs, à 2:09, le chanteur laisser échapper un "Oh, Meursault !". Pour éviter toute confusion, calmer les ardeurs des associations anti-raciste et la tentative de récupération du parti d'extrême-droite britannique, la maison de disque fut obligée de vendre le 45tours accompagné du roman de Camus. Aujourd'hui, vu l'ambiance à couteaux tirés dès qu'on prononce certains mots ou caricature certaines communautés, Robert Smith, dans les concerts, change le titre et le refrain par Killing another.

Ah ouais ?...
Purée ton histoire, Sylvie, me scie en deux.
Autant je peux - à la limite - comprendre l'éventuelle suspicion de certains envers un groupe anglo-saxon, autant taxer de racisme un auteur à la fois philosophe et issu d'Afrique-du-Nord, là, les bras m'en tombent. Et tu dis que l'examinateur avait sorti à l'élève :"Je vous comprends" ? C'est dingue ! Il devait faire partie de ces gens qui lisent Montesquieu ou Tintin au Congo avec les lunettes d'aujourd'hui. Ce sont les pires, ceux-là !

Poète et dramaturge italien, à qui l'on doit les premiers vers de l'histoire de l'opéra, Ottavio Rinuccini excellait dans l'art du madrigal. En voici un mis en musique par Monteverdi ; à prendre le matin comme complément alimentaire vitaminé.

Pausanias le Périégète (dont j'ignorais l'existence il y a encore une minute), géographe-historien du IIème siècle, était une sorte de Guide du Routard de l'antiquité mais moins porté sur les campings. Ayant exploré la Macédoine, l'Italie, l'Asie et l'Afrique, son nom a résisté l'épreuve du temps grâce à une Description de la Grèce, en dix livres, où il passe en revue tous les patelins en les rapportant à la mythologie ; le Wiki nous dit qu'on ne compte plus les fouilles archéologiques fructueuses qui se sont basées sur cet ouvrage.
Bref, en dix-sept cent et des poussières, le compositeur français Rameau en rachète les droits. Et en lisant un chapitre sur les amours compliquées de Jupiter, qui changeait de femme comme de chaussettes, lui vient l'idée d'écrire Platée, opéra dans lequel beaucoup à l'époque ont vu une transposition moqueuse du mariage entre le fils de Louis XV et Maria Teresia, infante d'Espagne.

Tout ça pour vous parler de Marc Minkowski et de son ensemble, Les Musiciens du Louvre. Le répertoire baroque étant de plus en plus revisité, on compte parmi les floraisons d'orchestres spécialisés dans cette période deux Rolls Royce, Les Arts Florissants, sous la baguette de William Christie, et le français (cocorico) Minkowski. Voici l'ouverture de Platée par les Musiciens du Louvre ; les amateurs de jazz noteront tout le swing et la patate que ces zicos parviennent à y injecter.