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la tradition n'est parfois pas très ancestrale, même chez les british

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la tradition n'est parfois pas très ancestrale, même chez les british Empty la tradition n'est parfois pas très ancestrale, même chez les british

Message par patos Sam 24 Déc - 18:19

Ancestrales, rituelles, symboliques… Les traditions présentées comme très anciennes ne le sont pas toujours. C'est ce qu'ont montré les études des "traditions inventées", initiées par l'historien britannique Eric Hobsbawm.

À l'approche de la fête de Noël dont le folklore, son vieux bonhomme rouge et son moment d'ouverture des cadeaux, n'est pas véritablement millénaire, pas plus que celui de la corrida, pratique dont la légitimité est régulièrement débattue, la question se pose : mais comment les traditions naissent-elles donc ? Présentées comme étant si vieilles qu'on ne peut plus y toucher, le temps leur conférant une vertu quasi sacrée, elles sont souvent plus récentes qu'on le prétend. Tel est le paradoxe des traditions : si elles tirent leur valeur de leurs origines obscures et lointaines, elles ont pourtant bien été "inventées" par quelqu'un.

Cette idée, on la retrouve en substance dans un essai qui a fait date dans le champ des sciences sociales : [url=http://www.editionsamsterdam.fr/linvention-de-la-tradition/#:~:text=Les diff%C3%A9rentes %C3%A9tudes r%C3%A9unies dans,r%C3%A9interpr%C3%A9ter radicalement ou %C3%A0 inventer%2C]L'Invention de la tradition (1983)[/url], dirigé par les historiens britanniques Eric Hobsbawm et Terence Ranger. Dans cet ouvrage collectif, ils font apparaître que "des traditions qui semblent très anciennes ou se proclament comme telles ont souvent une origine très récente et sont parfois inventées".
Cette pratique des sociétés modernes, observent les historiens, permet par exemple aux États-nations de la fin du XIXe siècle d'asseoir leur légitimité en s'inscrivant dans un temps long et de renforcer l'unité sociale par la transmission d'un patrimoine partagé. De la proclamation du kilt comme costume national écossais aux apparats des cérémonies publiques de la monarchie britannique, ils invitent à nous interroger sur ces lieux où se réinterprètent et se forgent les récits prétendument immémoriaux.

Une tradition, s'il vous plaît


Que se passe-t-il quand les sociétés traditionnelles vivent un bouleversement social tel, que le cadre normatif du passé n’est plus à même de fonctionner ? Il n’est pas question de renoncer à l’innovation qui vient, mais en quelque sorte de "pactiser" avec celle-ci. "Le moule du passé continue à donner forme au présent – ou est supposé le faire", écrit Eric Hobsbawm. Tant que le changement – démographique, technologique ou autre – est suffisamment progressif pour être absorbé, par incrémentation en quelque sorte, cette absorption au sein du passé social peut prendre la forme d’une histoire mythologisée, voire ritualisée, par modification tacite du système de croyances, par "extension" du cadre, entre autres." Mais lorsque les changements sont brutaux, les sociétés peuvent répondre par l'invention de traditions, l'introduction factice de pratiques invariables qui les relient au passé, et l'utilisation de l'histoire "pour légitimer l'action et comme ciment de la cohésion du groupe".

Mais cette thèse de l'invention de la tradition ne décrit pas n'importe quelle innovation passée dans les mœurs depuis déjà suffisamment longtemps pour qu'on noie le poisson de ses origines et qu'on oublie, par la même occasion, la façon dont on s'est fait à l'idée qu'elles étaient anciennes... À ce compte, remarque l'anthropologue Alain Babadzan dans un commentaire éclairant de l'œuvre de Hobsbawm et Ranger, les "raviolis à l'ancienne" et les "hamburgers classiques" pourraient aussi prétendre au titre de traditions inventées ! À ne pas confondre non plus avec l'"effet pizza", expression que l'on doit à l'anthropologue Agehananda Bharati, laquelle décrit la transformation d'un produit culturel d'un pays dans un autre… réimporté dans son pays d'origine - bref, des traditions qui relèvent d'une forme de syncrétisme culturel au parcours géographique plus ou moins sinueux.

Non, pour bien comprendre ce que les auteurs entendent par "traditions inventées", il faut revenir sur le contexte particulier dans lequel s'inscrivent la plupart des exemples étudiés par les historiens britanniques, à savoir la révolution industrielle et l'émergence des nationalismes en Europe. Selon eux, la soudaine et rapide modernisation des rapports sociaux, économiques et politiques a conduit à l'invention massive de "néo-traditions". En piochant dans des matériaux issus du passé, ces traditions jouent un rôle déterminant dans l'identification des nations, la légitimation de leurs institutions ou autorité, et la cohésion d'une communauté autour de pratiques ritualisables et de systèmes de valeurs communs.

Pour Hobsbawm, la différence entre les coutumes des sociétés traditionnelles et les traditions inventées des sociétés modernes, tient moins au fait qu'elles soient fabriquées qu'au fait qu'elles relèvent de pratiques "symboliques ou rituelles" bien plus rigides, dans la mesure où elles poursuivent des objectifs souvent politiques.

Ce qui fait en outre l'originalité de ces traditions inventées, c'est que ce lien de continuité qu'elles entretiennent avec le passé est largement fictif :
"En bref, ce sont des réponses à de nouvelles situations qui prennent la forme d'une référence à d'anciennes situations, ou qui construisent leur propre passé par une répétition qui est presque de rigueur. C’est le contraste entre le changement permanent, l’innovation du monde moderne et la tentative de structurer au moins certaines parties de la vie sociale comme immuables et invariantes, qui rend 'l’invention de la tradition' si intéressante pour les historiens des deux derniers siècles." Eric Hobsbawm


Le phénomène se serait accentué au cours des quarante années précédant la Première Guerre mondiale. Les États, mais aussi des mouvements politiques émergents, y ont cherché de "nouveaux moyens pour assurer ou exprimer la cohésion et l'identité du groupe et de structurer les relations sociales".

De tout temps, les hommes ont porté des kilts…


Des récits de traditions réinterprétés ou inventés à la faveur de bouleversements sociaux politiques, les historiens de L'Invention de la tradition n'en manquent pas. Des jubilés de la reine Victoria à la casquette ouvrière, en passant par les traditions des loges maçonniques et le défilé français du 14 juillet, cette diversité d'objets, remarque Alain Babadzan, a de quoi dérouter les lecteurs.

L'une des descriptions les plus remarquables de l'essai est peut-être celle que fait Hugh Trevor-Roper de l'"invention" du kilt écossais comme habit ancestral du pays. Ce tissu patrimonial, entouré de légendes (porte-t-on des sous-vêtements sous le tartan ?), n'est devenu le "costume national" du pays qu'au XIXe siècle. Le "philibeg de tartan", le kilt moderne tel qu'on le connaît, ne fut élaboré que bien après les actes d'Unions des royaumes d'Écosse et d'Angleterre… et par un Anglais. Les différents motifs et couleurs des tartans censés représenter l'appartenance à tel ou tel clan furent quant à eux conçus par Walter Scott à l’occasion d’un spectacle donné en l’honneur d’un roi de la dynastie de Hanovre. De plus, les motivations de Thomas Rawlinson, l'Anglais qui développa industriellement le vêtement en 1745, étaient d'ordre plus pratique, directement liées aux contraintes des fabriques de l'époque, que symbolique comme la "préservation de leur mode de vie traditionnel".

Avant l’Union, écrit l'historien, le port d’un plaid de tartan a cours çà et là, écrit l'historien, mais était loin d'être revendiqué comme un insigne d'appartenance à la société des Highlands : "La plupart des Écossais voyait en lui un symbole d’arriération : l’insigne des Highlanders que l’on tenait pour de misérables vauriens, paresseux et cupides, et des maîtres-chanteurs de la plus mauvaise eau, qui constituaient moins une véritable menace qu’une nuisance sans gravité pour l’Écosse civilisée et historique". Bref, l’idée même d’une tradition propre aux Highlands serait "une invention rétrospective". On connaît par ailleurs le devenir moins typiquement écossais que punk anglais du motif tartan des kilts, réappropriés pour protester contre la classe dirigeante.

God Save the King (et la IIIe République)


La monarchie britannique n'est pas épargnée. Dans L'Invention de la tradition, l'historien David Cannadine observe comment les rituels monarchiques, l’ensemble des cérémonies publiques au rythme desquelles vivent le souverain et sa famille, loin d'être la répétition de gestes immémoriaux, se sont aussi adaptés à la construction de la nation britannique. Délaissés, on les ravive à la fin de la Première Guerre mondiale. Cette célébration de la nation britannique autour de sa monarchie aux "vieilles traditions" survient dans un contexte de compétition diplomatique et coloniale entre les puissances européennes.

Fort de ce regain de popularité, on instaure dans l'entre-deux-guerres les vœux royaux de Noël à la B.B.C. Ces derniers vont jouer "un rôle déterminant dans la transmission de la double image de la monarchie si bien développée par George V, observe l'historien britannique. Ces émissions de Noël, instituées en 1932 et immédiatement adoptées comme une 'tradition', exaltaient l’image du monarque comme figure paternelle de son peuple, parlant à ses sujets dans le confort et l’intimité de leurs foyers". George V fut un homme de radio si populaire que son second fils, bien qu’handicapé par un bégaiement, fut contraint de poursuivre la "tradition".

L'historien britannique s'aventure également en France, au temps de la Troisième République. Il y observe la façon dont le régime républicain a renforcé sa stabilité en innovant… par l'instauration des symboles "saveur tradition". Ainsi que le décriront des historiens comme Pierre Nora (qui publiera à partir de 1984 les trois volumes collectifs de ses Lieux de mémoire, un inventaire des lieux, tant matériels que symboliques, d'incarnation de la mémoire nationale), au moins trois "inventions" accompagnent à cette époque la constitution de la nation française.

Premièrement, le déploiement de l'enseignement primaire comme une sorte de contre-pouvoir laïc et républicain face à la mainmise du pouvoir ecclésiastique sur l'enseignement. Mais aussi les commémorations publiques mises en place à partir du 14 juillet 1880, dans une fête civique en l'honneur de la nation mêlant le peuple et l'armée. Une "date bicéphale", comme l'écrit Christian Amalvi dans Les Lieux de mémoire (Gallimard, 1997), qui renvoie simultanément à la "sanglante et violente" prise de la Bastille et la fête de la Fédération, à l'aspect "national et œcuménique" plus rassurant pour "les modérés"... Enfin, l'édification d'un grand nombre de monuments patriotiques aux visages de la République dans l'espace public entre 1875 à 1914, la Marianne allégorique et autres symboles de la République française.

Ce sont alors moins les "cérémonies inventées de toutes pièces si caractéristiques de la Première République – les arbres de la liberté, les déesses de la raison et les fêtes ad hoc" qui intéressent les classes dirigeantes, mais plutôt "une simple 'républicanisation' du faste du pouvoir étatique", ses uniformes, parades et drapeaux tricolores.

Le passé et ce qu'on en fait


Dans ses travaux sur l'histoire du nationalisme, Eric Hobsbawm a montré que nombre des traditions ont été forgées récemment. Des convergences sont alors apparues avec les études d'anthropologues ayant établi qu'en Afrique, des traditions dites ancestrales relevaient parfois d'inventions coloniales. Si les historiens se sont intéressés aux traditions, à la façon dont le passé peut être utilisé à des fins politiques, ce n'est pas pour invalider ces traditions, rappelait Gérard Noiriel sur France Culture, mais bien plutôt pour montrer en quoi les usages que les individus peuvent faire du passé peuvent s'écarter des faits historiques.

"L'invention des traditions est un processus que l'on retrouve dans tous les mouvements à caractère identitaire, qu'ils soient nationaux, communautaires ou régionalistes", explique l'historien. C'est par exemple le cas de l'établissement des stéréotypes régionaux bretons, qu'a notamment étudié l'historienne et sociologue Catherine Bertho-Lavenir. Alors que les anciennes provinces, en tant qu'entités politiques autonomes, disparaissaient au lendemain de la Révolution, on s'est mis à en faire des objets culturels. C'est à cette époque que les représentations codifiées de la Bretagne ont été élaborées par les élites et ce, à partir d'éléments empruntés à la culture matérielle rurale comme l'habitat ou le costume, à la langue, au climat… Les stéréotypes régionaux que nous connaissons bien. À cet égard, les travaux historiographiques éclairent l'ambivalence de l'usage de ces traditions formatées. Car si, depuis le XIXᵉ siècle, les stéréotypes bretons ont joué "un rôle majeur dans la stigmatisation de ces populations, observe Gérard Noiriel, ils ont aussi été mobilisés pour alimenter des formes de résistance contre la domination d'un pouvoir politique centralisé à Paris".

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Message par patos Sam 24 Déc - 18:44

Le besoin de narration cohérente est tel que des peuples aussi avides de stabilité que les anglais - et on le voit en franc-maçonnerie dans la rigidité de la GLUA par rapport aux "landmarks" - inventent des traditions pour se rassurer.

Et la France de 1789 s'en est inventé aussi .

ceci devrait rendre les francs-maçons modestes et un peu moins rigides :  non aucun de nos textes n'est gravé dans un marbre sacré.
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Message par Luciole Mar 27 Déc - 0:43

Heureusement pour la musique nous avons le plus souvent les textes écrits (mais parfois sous plusieurs versions...) alien

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Message par YNRJ Mar 27 Déc - 1:36

Fort heureusement, la musique ne peut se traduire avec des mots.
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Message par danielsan Mar 27 Déc - 10:50

Je ne suis pas d‘accord avec toi mon cher YNRJ. 
Tu écris que la musique ne peut se traduire avec des mots. Mais la musique peut évoquer des mots, des personnages, des sentiments etc. 

Je me souviens de mon enfance à l’école primaire où, existaient à l’époque les hussards de la République, les vrais instituteurs qui prenaient leur travail comme un sacerdoce. J’avais un instituteur originaire des Pyrénnées ; je me souviens encore aujourd’hui à mon âge de son nom et de son accent, il se nommait Monsieur Hortez et c’était un formidable Maître d’école.Sévère, mais formidable qui savait nous intéresser. 

Pour revenir à la musique, Monsieur Hortez nous avait fait écouter tout un après midi le conte symphonique du grand Prokofiev, « Pierre et le loup ». Je m’en souviens encore avec ravissement. Les personnages incarnés par des instruments de musique, « nous parlaient » dans nos esprits enfantins, véritablement. Les sons grâce à notre cher instituteur se métamorphosaient en mots.

Le cerveau humain lorsque nous écoutons la musique, active parait-il les zones cérébrales correspondantes au langage. 

La musique et le langage se ressemblent tous deux sont codifiés afin de produire des impressions telles que la tristesse, la gaité, la peur etc. 
La musique pourrait être comparée en quelques sortes à une grammaire organisant des mots pour construire des phrases cohérentes.

 La musique pour moi est un vecteur d’émotions pouvant être traduites par des mots. 
Je ne sais si je me suis bien fait comprendre.
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Message par Philbour Mar 27 Déc - 12:06

J'ai eu le même type d'instituteurs que toi mon cher Danielsan et ils m'ont beaucoup marqué!
Si je compare avec ceux ou celles de mes petits enfants......Une tradition bien perdue celle-la.
Les FM fantasment beaucoup sur La Tradition et les traditions, chacun met dans chaque case ce qu'il croit être juste, cofondant parfois us et coutumes, habitudes ( bonnes ou mauvaises ) et fantasmes.
Tout y passe, à chacun de retrouver son chat...
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Message par danielsan Mar 27 Déc - 16:29

Merci mon cher PHil de me conforter dans le respect des instituteurs d'antan et à part Monsieur Hortez j'en ai eu d'autres jusqu'à mon certificat d'étude, mon seul diplôme "universitaire"  Razz, qui m'ont marqué tout autant.
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