On ne classe point les poètes !
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On ne classe point les poètes !
Classer les poètes selon leurs différents styles est une chose que je trouve un peu ridicule. Par exemple, dans le cas de Rimbaud ou Baudelaire, on parle de poètes "maudits" ! Appellation due à leur style plutôt sombre, aux métaphores acides, marqué par une certaine souffrance morale... Et dans le cas de Lamartine ou Desbordes-Valmore, on parle de poètes "romantiques". Toutefois, lorsqu'on se penche davantage sur leurs oeuvres, on se rend vite compte que tout cela n'est pas aussi évident. Je crois qu'il existe une poésie, et une seule ! Et que dans l'esprit, celle-ci résonne d'égale manière, dans l'élégance s'entend. Dénommer un poète comme "maudit", c'est lui coller une étiquette qu'il n'est pas aisé d'oter ! Alors que l'on peut trouver de la lumière dans son oeuvre, et même de la plus belle.
Le romantisme est tout aussi présent dans l'oeuvre de Baudelaire par exemple, tout comme la poésie de Marceline Desbordes Valmore peut contenir son lot de tourments en substance, poésie qui d'ailleurs, est somptueuse. Je ne suis donc pas favorable à une classification des poètes, car la poésie n'est pas la botanique ou la biologie, elle est surtout affaire de coeur... D'âme !
Le romantisme est tout aussi présent dans l'oeuvre de Baudelaire par exemple, tout comme la poésie de Marceline Desbordes Valmore peut contenir son lot de tourments en substance, poésie qui d'ailleurs, est somptueuse. Je ne suis donc pas favorable à une classification des poètes, car la poésie n'est pas la botanique ou la biologie, elle est surtout affaire de coeur... D'âme !
Invité- Invité
Re: On ne classe point les poètes !
Il faut bien donner des catégories pour parler de poésie aux gens qui n'en ont pas l'oreille...
Scylaax- Nouveau né
- Messages : 22
Date d'inscription : 21/01/2012
Age : 30
Localisation : Aux antipodes
Re: On ne classe point les poètes !
Peut-être que tu as raison, mais je suis loin d'en être convaincu !
Invité- Invité
Re: On ne classe point les poètes !
La poésie est une oeuvre de l'esprit comme l'est la littérature.
Je ne trouve pas impossible de ne pas la classer sur la forme ou même le fond.
Je ne trouve pas impossible de ne pas la classer sur la forme ou même le fond.
rbbe41- Maitre Philosophe
- Messages : 2073
Date d'inscription : 28/06/2011
Age : 48
Localisation : Suisse
Re: On ne classe point les poètes !
Très sincèrement, je trouve cela extrêmement difficile à classer, car la subtilité de la poésie échappe un peu, il me semble, à toutes tentatives de classification. Le faire serait admettre que les poètes sont figés dans une catégorie donnée, or, il ne s'agit pas de classer des mollusques ou des insectes, mais bien de définir quelque chose qui ne se définit point...
Mais bon, il se peut que je défende une vue de l'esprit, et que je sois totalement dans l'erreur, heureusement ! Parfois il m'arrive de m'emporter pour une cause, quitte à me planter !
Mais bon, il se peut que je défende une vue de l'esprit, et que je sois totalement dans l'erreur, heureusement ! Parfois il m'arrive de m'emporter pour une cause, quitte à me planter !
Invité- Invité
Re: On ne classe point les poètes !
Bonjour,
Stéphane MALLARME est typiquement classé comme auteur symbolique et hermétique. Alors qu'il a mené une vie dépressive, il ne fut pas "épinglé", comme poète maudit, loin s'en faut.
La musique de la rythmique de certaines poésies, comme celle du sonnet a moins de langueur que certaines autres constructions.
La classification permet, me semble-t-il d'orienter, pour l'étude et les débutants de comprendre LA composition, dont ils devraient s'inspirer, non pas seulement en lisant, mais en disant à haute voix, avec la ponctuation et les lignes appropriées (car bon nombres de poèmes, vont à la ligne, sans que la précédente se termine, soit par une virgule ou un point. Allez à la ligne souvent permet de suggérer un souffle, sans montée ni descente, ni pause).. C'est très subtile tout cela.
Stéphane MALLARME est typiquement classé comme auteur symbolique et hermétique. Alors qu'il a mené une vie dépressive, il ne fut pas "épinglé", comme poète maudit, loin s'en faut.
La musique de la rythmique de certaines poésies, comme celle du sonnet a moins de langueur que certaines autres constructions.
La classification permet, me semble-t-il d'orienter, pour l'étude et les débutants de comprendre LA composition, dont ils devraient s'inspirer, non pas seulement en lisant, mais en disant à haute voix, avec la ponctuation et les lignes appropriées (car bon nombres de poèmes, vont à la ligne, sans que la précédente se termine, soit par une virgule ou un point. Allez à la ligne souvent permet de suggérer un souffle, sans montée ni descente, ni pause).. C'est très subtile tout cela.
LA JEANNE- Chien fou
- Messages : 143
Date d'inscription : 13/01/2012
Localisation : Au centre du LIVRE
Re: On ne classe point les poètes !
Mallarmé a bien été décrit comme poète maudit, par Verlaine, dans ses articles qu'il écrivait à la fin du siècle, ce qui permit à Mallarmé de se faire connaître un peu sur la scène française, lui qui avait une audience très limitée : moins de deux cent tirages pour l'Après midi d'un faune, pièce pourtant magistrale. Avec le A Rebours de Huysmans[u] ça a été les deux coups de " pub" qui lui ont permit un certain désenclavement poétique ( je retiens personnellement la formidable analyse en finesse de Des Esseintes sur le style de Mallarmé et sa façon de composer les adjectifs).
Pour revenir au sujet principal, sinon je n'aurais l'air que d'étaler ma maigre culture. Les grands auteurs poétiques sont justement ceux qui arrivent à dépasser leur cadre historique qui forme une représentation en mouvement, en touchant, je pense, à une forme d'universel ( même s'il est toujours risquer de parler d'essence de la poésie et de la mythifier sans tomber dans le lieu commun).
Reverdy en cela n'est pas seulement lié au surréalisme, on ne peut définir Apollinaire par un croisement subtil entre surréalisme - pour l'image - , symbolisme, simultanéisme et futurisme, dont il a été proche. La capacité de ce poète a toujours été de sortir des cadres et de dépasser l'analyse, d'avoir une certaine irréductibilité à la castration des cadres.
Et évidemment l'argument contre la classification peut se tenir, cependant je pense qu'il n'est pas toutafais pertinent.
Si l'on se penche bien sur l'histoire littéraire on s'aperçoit bien que chaque mouvement est caractérisé par une forme, des procédés, une idéologie, des sentiments, qui lui sont propre. Entre la poésie de l'âge classique romain et la poésie de la décadence il y'a déjà de grandes différences de tonalités, entre Virgile et Juvénal par exemple ( même si je déchiffre assez mal le latin), entre la satire et l'ode ou la complainte d'un Catulle. Plus proche de nous, le sonnet, le retour aux figures antiques, caractérisent bien la poésie de Ronsard ou de Du Bellay, et pourtant ils ont une individualité qui leur est propre. De même, je pense qu'on ne peut rien comprendre à Villon ou Marrot, ou encore d'Aubigné ou Malherbe, si on ne les replace pas dans leur contexte historique : la vision de la mort, de la ville ( chez Villon principalement), de la morale, le carnavalesque... Connaître un mouvement c'est permettre d'approcher une oeuvre sous ses premiers abords, sur ce qu'elle a de général, de commun, de bord conforme dirait Barthes. Ce qui est dommage c'est quand la classification prend le pas sur la réelle analyse du poème, quand on essaye de démontrer pourquoi tel poème de Musset est romantique ou tel poème de Gautier parnassien : savoir qu'ils sont romantiques ou parnassiens doit être l'a priori premier qui permet de comprendre les premiers enjeux, et non pas une finalité.
En somme la classification ne me paraît nullement futile mais juste nécessaire sans être suffisante toutefois. Un simple point de départ.
Pour revenir au sujet principal, sinon je n'aurais l'air que d'étaler ma maigre culture. Les grands auteurs poétiques sont justement ceux qui arrivent à dépasser leur cadre historique qui forme une représentation en mouvement, en touchant, je pense, à une forme d'universel ( même s'il est toujours risquer de parler d'essence de la poésie et de la mythifier sans tomber dans le lieu commun).
Reverdy en cela n'est pas seulement lié au surréalisme, on ne peut définir Apollinaire par un croisement subtil entre surréalisme - pour l'image - , symbolisme, simultanéisme et futurisme, dont il a été proche. La capacité de ce poète a toujours été de sortir des cadres et de dépasser l'analyse, d'avoir une certaine irréductibilité à la castration des cadres.
Et évidemment l'argument contre la classification peut se tenir, cependant je pense qu'il n'est pas toutafais pertinent.
Si l'on se penche bien sur l'histoire littéraire on s'aperçoit bien que chaque mouvement est caractérisé par une forme, des procédés, une idéologie, des sentiments, qui lui sont propre. Entre la poésie de l'âge classique romain et la poésie de la décadence il y'a déjà de grandes différences de tonalités, entre Virgile et Juvénal par exemple ( même si je déchiffre assez mal le latin), entre la satire et l'ode ou la complainte d'un Catulle. Plus proche de nous, le sonnet, le retour aux figures antiques, caractérisent bien la poésie de Ronsard ou de Du Bellay, et pourtant ils ont une individualité qui leur est propre. De même, je pense qu'on ne peut rien comprendre à Villon ou Marrot, ou encore d'Aubigné ou Malherbe, si on ne les replace pas dans leur contexte historique : la vision de la mort, de la ville ( chez Villon principalement), de la morale, le carnavalesque... Connaître un mouvement c'est permettre d'approcher une oeuvre sous ses premiers abords, sur ce qu'elle a de général, de commun, de bord conforme dirait Barthes. Ce qui est dommage c'est quand la classification prend le pas sur la réelle analyse du poème, quand on essaye de démontrer pourquoi tel poème de Musset est romantique ou tel poème de Gautier parnassien : savoir qu'ils sont romantiques ou parnassiens doit être l'a priori premier qui permet de comprendre les premiers enjeux, et non pas une finalité.
En somme la classification ne me paraît nullement futile mais juste nécessaire sans être suffisante toutefois. Un simple point de départ.
Littlewingrunner- Petit Sage
- Messages : 460
Date d'inscription : 24/02/2012
Localisation : Ile de France
Re: On ne classe point les poètes !
Il en va de la poésie, de la littérature en général comme de la musique, et du reste le parallèle entre les deux arts est intéressant à étudier : qu'est-ce que le baroque ? Qu'est-ce que le classique ? Le romantique ? Le post-romantique ? L'impressionniste, aussi, dont on a tant chargé la peinture ? Et puis après ? Tout cela se définit, certes, mais par de subtiles nuances qui donnent un "ton" particulier à une œuvre dans le temps. Un exemple tout bête : les différentes traductions de la Bible. Lisez donc un court extrait de l'évangile de Jean, d'abord dans la version de Port-Royal et ensuite dans celle de Segond : vous y noterez forcément la différence de style qui distingue le classicisme le plus pur, celui du XVIIe siècle, et la plume beaucoup plus profonde de ce qu'on appelle le romantisme et qui n'est jamais qu'une élaboration de l'expression humaine à travers une sensibilité nouvelle.
De même, en musique. Bach, dit-on, est baroque, mais Haydn et Mozart sont classiques ; Beethoven, Schubert, Weber, Schumann, sont "romantiques". Oui, mais Berlioz, Brahms, Dvorak ? Là, on est bien embarrassé, et pour se tirer d'affaire, on parle de "second romantisme". Après quoi, avec Wagner, Mahler, Bruckner, Moussorsky, Tchaïkovski, on invente le terme de "post-romantisme". Et ainsi de suite jusqu'à Boulez, qu'il est bien difficile de classer, quand bien même, entre temps, on aurait passé par le dodécaphonisme, le sérialisme, le néo-classicisme, etc.
Toute cette rhétorique serait vaine si l'expression artistique ne frappait pas, parfois de manière brutale, le lecteur ou l'auditeur. Car il est évident qu'on reconnaîtra à la première phrase comme à aux premières notes une page de Rabelais ou une partition de Roland de Lassus, et qu'il y a peu de communauté d'expression entre eux et Baudelaire, d'un côté, et de l'autre Smetana. Si nous poussons l'affaire jusqu'à ses ultimes retranchements, dans quelle catégorie classerons-nous Michaux et Stravinsky ?
Le mieux, c'est encore d'apprécier selon ses propres goûts, de s'imprégner d'un livre ou d'un CD, et de laisser nos neurones au repos : ce ne sont pas eux qui distillent l'émotion, mais notre cœur.
De même, en musique. Bach, dit-on, est baroque, mais Haydn et Mozart sont classiques ; Beethoven, Schubert, Weber, Schumann, sont "romantiques". Oui, mais Berlioz, Brahms, Dvorak ? Là, on est bien embarrassé, et pour se tirer d'affaire, on parle de "second romantisme". Après quoi, avec Wagner, Mahler, Bruckner, Moussorsky, Tchaïkovski, on invente le terme de "post-romantisme". Et ainsi de suite jusqu'à Boulez, qu'il est bien difficile de classer, quand bien même, entre temps, on aurait passé par le dodécaphonisme, le sérialisme, le néo-classicisme, etc.
Toute cette rhétorique serait vaine si l'expression artistique ne frappait pas, parfois de manière brutale, le lecteur ou l'auditeur. Car il est évident qu'on reconnaîtra à la première phrase comme à aux premières notes une page de Rabelais ou une partition de Roland de Lassus, et qu'il y a peu de communauté d'expression entre eux et Baudelaire, d'un côté, et de l'autre Smetana. Si nous poussons l'affaire jusqu'à ses ultimes retranchements, dans quelle catégorie classerons-nous Michaux et Stravinsky ?
Le mieux, c'est encore d'apprécier selon ses propres goûts, de s'imprégner d'un livre ou d'un CD, et de laisser nos neurones au repos : ce ne sont pas eux qui distillent l'émotion, mais notre cœur.
Pimbi- Grand Initié
- Messages : 3086
Date d'inscription : 09/02/2012
Age : 38
Localisation : Ouskiya de l'Irouléguy
Re: On ne classe point les poètes !
Voilà de sages paroles Pimbi... Surtout la dernière :
Le mieux, c'est d'apprécier selon ses propres goûts, de s'imprégner d'un livre ou d'un CD, et de laisser nos neurones au repos : ce ne sont pas eux qui distillent l'émotion, mais notre coeur !
Et tu dis que tu n'es pas poète ! Tu l'es ! Jusqu'au bout des ongles...
Laissons les nomenclatures artistiques de côté, le tout est de savoir apprécier l'essentiel. D'ailleurs, lorsque l'on a des goûts éclectiques, on se moque bien de séparer tel ou tel mouvement pictural, et tel ou tel poète ou musicien, non, on aime voilà tout !
Le mieux, c'est d'apprécier selon ses propres goûts, de s'imprégner d'un livre ou d'un CD, et de laisser nos neurones au repos : ce ne sont pas eux qui distillent l'émotion, mais notre coeur !
Et tu dis que tu n'es pas poète ! Tu l'es ! Jusqu'au bout des ongles...
Laissons les nomenclatures artistiques de côté, le tout est de savoir apprécier l'essentiel. D'ailleurs, lorsque l'on a des goûts éclectiques, on se moque bien de séparer tel ou tel mouvement pictural, et tel ou tel poète ou musicien, non, on aime voilà tout !
Invité- Invité
Re: On ne classe point les poètes !
Cela va pour la dilettante. Je ne suis pas fana de classification, mais force est de reconnaître que c'est bien pratique du point de vue de l'histoire de l'art, pour marquer les mouvements, mais aussi pour permettre une première approche de l'oeuvre.
Barthes avait déjà pensé à cette difficulté qui ne laisse que peu de place la critique, après tout à quoi sert-elle s'il suffit de " sentir avec son coeur" si une oeuvre nous plait ? Il mettait en exergue le fait que savoir et sentir avait la même étymologie ( sentire, sapere, je parle sous le contrôle de Pimpi ), de facto les neurones tant décriés ne rentrent pas en opposition avec l'appréciation d'une oeuvre, nullement, et au contraire, ils permettent de mieux la juger. L'opposition n'est pas tristement dialectique entre coeur et raison - quelque peu naïf et idéaliste si vous me permettez.
L'émotion est donc autant intellectuelle que sensuelle. Il ne suffit pas d'être dans une passivité douce quand on écoute quelque chose, pour "recevoir" sa beauté présumée, non il faut faire effort, comme lorsqu'on lit un livre, l'histoire ne se donne pas entière à un lecteur passif, mais il y'a bien un processus de construction du sens par ce dernier, ce qu'Eco a appelé l'oeuvre "ouverte". Le coeur n'a pas d'activité propre, il ne fait que recevoir, or une oeuvre ne se reçoit pas pleinement, elle se construit intellectuellement par celui qui la perçoit, ce qui en fait justement l'extrême originalité, et ce qui explique aussi pourquoi certaines durent des centaines d'années : elles permettent un renouveau de l'interprétation selon les époques, on peut citer le cas du Phèdre de Racine qui ne cesse d'intriguer sur ce point, ou de façon plus lointaine l'Odyssée et L'Iliade. Villon a par exemple été considéré par Apollinaire ou Baudelaire comme un de leur prédécesseur poétique.
Mallarmé avait très bien compris ce processus, et son hermétisme ne se comprend pas sans la dimension ouverte de son oeuvre, ouverte à une forme de liberté d'interprétation de la part du lecteur.
Je me dois donc de dire que je suis en opposition radicale avec votre point de vue que j'ai jadis entendu à mes débuts au lycée, se rapprochant de la désormais célèbre remarque " étudier un texte lui fait perdre de sa beauté", non, au contraire, on la comprend et on l'apprécie mieux ainsi. Et la classification permet une première accroche sur celle ci.
Cependant l'objection de Pimbi est juste : ou classerions nous alors le poète Michaux, avec Bonnefoy, Jaccottet et les autres poètes contemporains ? C'est la grande et difficile question du post modernisme, Michaux ne s'est pas voulu surréaliste, dadaïste ou que sait je, pourtant sa poésie est marquée par le post modernisme grinçant de l'après guerre, je pense à "Honfleur" notamment, l'humour étant une forme de réponse chez lui à une forme de désespoir. Peut on pleinement juger des enjeux poétique chez Michaux sans le replacer dans son cadre historique, c'est à dire la deuxième moitié du XXème siècle avec ses enjeux inhérents? De même pour Ponge ? Je ne pense pas.
J'ajouterai que la plupart des mouvements, romantisme, la pléiade, les surréalistes, les futurismes, les simultanéistes et j'en passe, se sont composés en groupe eux même, si des personnalités comme Hugo ou Ronsard ont eu l'intelligence de se considérer dans un groupe, dans un mouvement, c'est qu'ils ont bien du considérer qu'ils se différenciaient esthétiquement assez radicalement de ce qui avait été fait avant ( de même pour le Nouveau Roman), ce n'est que du bon sens alors que de reconnaître qu'une partie de l'oeuvre de Hugo est romantique etc... En se rappelant bien qu'il ne se réduit pas au romantisme, tout comme Zola ne se réduit pas au naturalisme, ce qui est le plus intéressant c'est justement la façon dont il l'excède clairement.
Barthes avait déjà pensé à cette difficulté qui ne laisse que peu de place la critique, après tout à quoi sert-elle s'il suffit de " sentir avec son coeur" si une oeuvre nous plait ? Il mettait en exergue le fait que savoir et sentir avait la même étymologie ( sentire, sapere, je parle sous le contrôle de Pimpi ), de facto les neurones tant décriés ne rentrent pas en opposition avec l'appréciation d'une oeuvre, nullement, et au contraire, ils permettent de mieux la juger. L'opposition n'est pas tristement dialectique entre coeur et raison - quelque peu naïf et idéaliste si vous me permettez.
L'émotion est donc autant intellectuelle que sensuelle. Il ne suffit pas d'être dans une passivité douce quand on écoute quelque chose, pour "recevoir" sa beauté présumée, non il faut faire effort, comme lorsqu'on lit un livre, l'histoire ne se donne pas entière à un lecteur passif, mais il y'a bien un processus de construction du sens par ce dernier, ce qu'Eco a appelé l'oeuvre "ouverte". Le coeur n'a pas d'activité propre, il ne fait que recevoir, or une oeuvre ne se reçoit pas pleinement, elle se construit intellectuellement par celui qui la perçoit, ce qui en fait justement l'extrême originalité, et ce qui explique aussi pourquoi certaines durent des centaines d'années : elles permettent un renouveau de l'interprétation selon les époques, on peut citer le cas du Phèdre de Racine qui ne cesse d'intriguer sur ce point, ou de façon plus lointaine l'Odyssée et L'Iliade. Villon a par exemple été considéré par Apollinaire ou Baudelaire comme un de leur prédécesseur poétique.
Mallarmé avait très bien compris ce processus, et son hermétisme ne se comprend pas sans la dimension ouverte de son oeuvre, ouverte à une forme de liberté d'interprétation de la part du lecteur.
Je me dois donc de dire que je suis en opposition radicale avec votre point de vue que j'ai jadis entendu à mes débuts au lycée, se rapprochant de la désormais célèbre remarque " étudier un texte lui fait perdre de sa beauté", non, au contraire, on la comprend et on l'apprécie mieux ainsi. Et la classification permet une première accroche sur celle ci.
Cependant l'objection de Pimbi est juste : ou classerions nous alors le poète Michaux, avec Bonnefoy, Jaccottet et les autres poètes contemporains ? C'est la grande et difficile question du post modernisme, Michaux ne s'est pas voulu surréaliste, dadaïste ou que sait je, pourtant sa poésie est marquée par le post modernisme grinçant de l'après guerre, je pense à "Honfleur" notamment, l'humour étant une forme de réponse chez lui à une forme de désespoir. Peut on pleinement juger des enjeux poétique chez Michaux sans le replacer dans son cadre historique, c'est à dire la deuxième moitié du XXème siècle avec ses enjeux inhérents? De même pour Ponge ? Je ne pense pas.
J'ajouterai que la plupart des mouvements, romantisme, la pléiade, les surréalistes, les futurismes, les simultanéistes et j'en passe, se sont composés en groupe eux même, si des personnalités comme Hugo ou Ronsard ont eu l'intelligence de se considérer dans un groupe, dans un mouvement, c'est qu'ils ont bien du considérer qu'ils se différenciaient esthétiquement assez radicalement de ce qui avait été fait avant ( de même pour le Nouveau Roman), ce n'est que du bon sens alors que de reconnaître qu'une partie de l'oeuvre de Hugo est romantique etc... En se rappelant bien qu'il ne se réduit pas au romantisme, tout comme Zola ne se réduit pas au naturalisme, ce qui est le plus intéressant c'est justement la façon dont il l'excède clairement.
Littlewingrunner- Petit Sage
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Date d'inscription : 24/02/2012
Localisation : Ile de France
Re: On ne classe point les poètes !
Oui, tu as raison, Little, et j'aurais dû préciser ce point important que l'étude ajoutée à la sensibilité ne gâte rien, bien au contraire. J'étais cet après-midi avec mon grand ami Fabien, qui m'a fait l'honneur d'une visite à moto, et je lui parlais justement de cette complémentarité entre la science, au sens strict du mot, et l'émotion. La science - supposé qu'elle soit authentique, et non un colifichet d'affectation - aide indiscutablement à l'introspection d'une œuvre : c'est en partie parce que j'ai devant mes yeux - je parle en direct, si je puis dire - les deux premiers mouvements du 7e quatuor de Beethoven que je suis ébahi par le génie de cette musique. Certes, auparavant, quand je ne disposais pas du support purement intellectuel de la partition, je l'appréciais tout autant, parce que j'aime naturellement la musique. Mais d'avoir découvert en quelque sort l'arcane mystérieux par lequel Ludwig combine quatre instruments sur trois clefs pour produire cette série de sons incroyablement complexes et pourtant qui coulent de source, est forcément un atout de poids. Ainsi, je puis sur mon piano, et à condition d'avoir les doigts souples, pénétrer le secret "technique" - n'oublions pas que technique signifie "art" - de cette œuvre. Et par là, mon émotion est encore plus grande, parce que j'ai été admis en quelque sorte au tabernacle.
Et puis, VH n'a-t-il pas dit, justement : "la hauteur des sentiments est en raison directe de la profondeur de l'intelligence. Le cœur et l'esprit sont les deux plateaux d'une balance. Plongez l'esprit dans l'étude, vous élevez le cœur dans les cieux" ?
Et puis, VH n'a-t-il pas dit, justement : "la hauteur des sentiments est en raison directe de la profondeur de l'intelligence. Le cœur et l'esprit sont les deux plateaux d'une balance. Plongez l'esprit dans l'étude, vous élevez le cœur dans les cieux" ?
Pimbi- Grand Initié
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Date d'inscription : 09/02/2012
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Localisation : Ouskiya de l'Irouléguy
Re: On ne classe point les poètes !
Sans doute Littlewingrunner !
Je trouve ton analyse fort pertinente.
Je pense que je fus très dérangé par certaines appellations poétiques, qui à mon sens n'étaient pas appropriées... Mais si l'on élargi le contexte artistique, là.
Mais je demeure convaincu que la classification ne doit être utile qu'à titre indicatif, sans plus.
Je trouve ton analyse fort pertinente.
Je pense que je fus très dérangé par certaines appellations poétiques, qui à mon sens n'étaient pas appropriées... Mais si l'on élargi le contexte artistique, là.
Mais je demeure convaincu que la classification ne doit être utile qu'à titre indicatif, sans plus.
Invité- Invité
Re: On ne classe point les poètes !
Je ne connaissais pas cette expression, je la note, merci.
Pour revenir au sujet, la classification est nécessaire mais comme premier pas, disons, comme indication nous sommes d'accord. Trop souvent j'entend des gens de mon âge ou plus jeune ( surtout au lycée) tomber dans ce piège grotesque: ils commentent un poème de Musset et le but de leur analyse est de montrer qu'il est représentatif de la poésie romantique. C'est tout faire à l'envers : ce devrait être le postulat de l'explication, et le but devrait être de montrer l'originalité du poème dans ce cadre, comment Musset est, indiscutablement, romantique, mais également absolument autre chose.
On glisse trop facilement d'un excès à un autre avec ces questions là, la mode étant à la déclassification et l'abolition des genres, pourtant ceux ci sont nécessaires, si on leur donne la place qui est la leur.
Pour revenir au sujet, la classification est nécessaire mais comme premier pas, disons, comme indication nous sommes d'accord. Trop souvent j'entend des gens de mon âge ou plus jeune ( surtout au lycée) tomber dans ce piège grotesque: ils commentent un poème de Musset et le but de leur analyse est de montrer qu'il est représentatif de la poésie romantique. C'est tout faire à l'envers : ce devrait être le postulat de l'explication, et le but devrait être de montrer l'originalité du poème dans ce cadre, comment Musset est, indiscutablement, romantique, mais également absolument autre chose.
On glisse trop facilement d'un excès à un autre avec ces questions là, la mode étant à la déclassification et l'abolition des genres, pourtant ceux ci sont nécessaires, si on leur donne la place qui est la leur.
Littlewingrunner- Petit Sage
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Date d'inscription : 24/02/2012
Localisation : Ile de France
Re: On ne classe point les poètes !
Les frontières entre les genres sont parfois difficiles à tracer : comme "classer" Chateaubriand, par exemple ? Et Richard Strauss ? L'un se démarque d'un style d'écriture qui atteint son point de rupture avec Beaumarchais, l'autre est un post-romantique égaré en plein XXe siècle (preuve incontestable de ce romantisme, son langage tonal de bout en bout). Certaines pages de Chateaubriand annoncent Hugo, l'œuvre de Sibelius est tout d'une tire tournée vers le passé.
Comment s'y reconnaître ?
Par la qualité de la création, forcément. Richard Strauss est un authentique génie. Anachronique, mais véritable. Il ne s'agit donc plus là une question d'outil d'expression en conformité ou non avec son époque, mais relevant d'une personnalité affranchie des mouvements et des influences contemporains.
Comment s'y reconnaître ?
Par la qualité de la création, forcément. Richard Strauss est un authentique génie. Anachronique, mais véritable. Il ne s'agit donc plus là une question d'outil d'expression en conformité ou non avec son époque, mais relevant d'une personnalité affranchie des mouvements et des influences contemporains.
Pimbi- Grand Initié
- Messages : 3086
Date d'inscription : 09/02/2012
Age : 38
Localisation : Ouskiya de l'Irouléguy
Re: On ne classe point les poètes !
J'admet que ce topic n'était pas très judicieux, mais s'il a encore un sens, autant en débattre...
Invité- Invité
Re: On ne classe point les poètes !
C'est tout le soucis avec les auteurs/musiciens atypiques, on pourrait dire de même pour Ponge : prose ou poésie ? ou encore Gershwin, je l'ai toujours trouvé drôlement à cheval entre le classique ( avec une influence ravelienne ), le jazz et la fanfare.
Strauss, que j'apprécie grandement ( je trouve qu'il a les bons côtés de Wagner sans en avoir le côté écrasant - on a parfois l'impression d'être bombardé avec ce dernier ), est "classable" par ses références et son univers mental, mais évidemment il transcende le cadre étroit de "post-romantique". On en revient avec ce que je disais pour Musset.
Au contraire, le topic permet de tordre le cou aux idées reçues, c'est parfait. Et puis c'est toujours un plaisir de discuter civilement.
Strauss, que j'apprécie grandement ( je trouve qu'il a les bons côtés de Wagner sans en avoir le côté écrasant - on a parfois l'impression d'être bombardé avec ce dernier ), est "classable" par ses références et son univers mental, mais évidemment il transcende le cadre étroit de "post-romantique". On en revient avec ce que je disais pour Musset.
Au contraire, le topic permet de tordre le cou aux idées reçues, c'est parfait. Et puis c'est toujours un plaisir de discuter civilement.
Littlewingrunner- Petit Sage
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Date d'inscription : 24/02/2012
Localisation : Ile de France
Re: On ne classe point les poètes !
Ah, Gershwin, c'est un cas d'école ! Il est tout simplement inclassable. Il n'en appartient pas moins à ces quelques musiciens - trop rares, à mon goût - qui ont osé mêler la musique populaire à la musique dite savante. Lizst l'avait fait avec la Hongrie, Darius Milhaud le fera avec les rhythmes brésiliens, de même que Borulav Martinu avec le folklore roumain : enrichir la musique instrumentale ou symphonique traditionnelle d'éléments issus de la tradition populaire était une gageure que les conservateurs momifiés dans leurs us et coutumes rejetaient avec mépris. Et pourtant, le résultat est probant et ira jusqu'à une des figures les plus originales de la musique, un homme que je vénère, un artiste créateur autant qu'interprète et pédagogue profond, Léonard Bernstein et son West Side Story.
Pimbi- Grand Initié
- Messages : 3086
Date d'inscription : 09/02/2012
Age : 38
Localisation : Ouskiya de l'Irouléguy
Re: On ne classe point les poètes !
Tu as raison LR, et moi je parviens à améliorer nettement ma confiance en moi avec l'âge, chose qui n'a pas toujours été aussi solide.
Discuter civilement oui, c'est la force qui nous lie ici, et bien des membres s'en sont flatter, tant mieux. Parfois on lance une idée, un sujet, et l'émulation qu'ils créent est vraiment enrichissante. Pour moi c'est un véritable plaisir de me remettre en cause, car même si cela peut paraître paradoxal, c'est cette remise en cause qui enrichit mon esprit.
Pour revenir au topic, dans le domaine de l'histoire naturelle la classification des espèces ne s'est pas faite sans mal, et il a fallut progresser dans la connaissance des fondements de chaque espèce pour établir une nomenclature plus ou moins précise.
Discuter civilement oui, c'est la force qui nous lie ici, et bien des membres s'en sont flatter, tant mieux. Parfois on lance une idée, un sujet, et l'émulation qu'ils créent est vraiment enrichissante. Pour moi c'est un véritable plaisir de me remettre en cause, car même si cela peut paraître paradoxal, c'est cette remise en cause qui enrichit mon esprit.
Pour revenir au topic, dans le domaine de l'histoire naturelle la classification des espèces ne s'est pas faite sans mal, et il a fallut progresser dans la connaissance des fondements de chaque espèce pour établir une nomenclature plus ou moins précise.
Invité- Invité
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